JAPADOG

À chaque jour, je passais sous son auvent rouge clair . À chaque jour, j’y voyais une file de gens prêts à se régaler de cette fusion inopinée des cuisines japonaises et américaines. À chaque jour, l’odeur caractéristique de la vielle huile de friture tentait de me charmer. Puis, j’ai cédé.

Dès mon entrée, j’étais dérouté par l’imposant menu qui se dressait devant moi. Très exhaustif, c’est à croire que leur chef avait réussi à mettre dans un pain à hot-dog tout ce qui pouvait se manger au Japon. Toutefois, c’est avec un peu de circonspection que j’ai opté pour le numéro 1. Si c’était la tête de file du menu, ce n’était sûrement pas pour rien. Leur chef avait dû conclure que le Kurobuta Mayo était le plat qui représentait le mieux l’âme du restaurant et que j’en aurais la plus honnête des expériences à le choisir. À peine ma commande en take-out terminée, j’étais sorti du restaurant en moins de cinq minutes, même pas le temps d’en apprécier le décors.

Une fois installé chez nous, c’était le temps de passer à l’acte.

Devant une si grosse saucisse, je m’attendais à un genre de plaisir coupable que Kant qualifierait sans doute comme souillure de soi-même par volupté. Mais après le repas, il ne me restait que la souillure. Ma digestion défaillante me faisait regretter cette saucisse trop grasse, noyée d’une mayonnaise sucrée et d’une sauce Teriyaki toutes deux trop généreuses tant elles débordaient par le cul du hot-dog à chaque mordée. Ce cocktail indigeste était coiffé de rognures d’algues et d’un confit d’oignons qui ne goûtaient plus rien, conquis par le reste des saveurs exagérées. Je regardais le dernier bout de mon hot-dog suintant d’une huile brunâtre et j’avais le souffle court, la respiration contrite par l’effort nécessaire à sa consommation. Puis, ignorant tous les signaux de mon corps, je l’avalai. Le hot-dog m’avait coûté presque dix piasses, j’avais pas l’intention de gaspiller.

Après l’expérience, il ne me restait qu’une boule sur l’estomac et une assiette sale.

Quelques jours plus tard, je me demandais combien d’atomes du hot-dog étaient encore en circulation dans mon organisme. Les théories scientifiques les plus modernes affirment qu’il faut en moyenne une dizaine d’années pour que le corps humain ait renouvelé l’entièreté des atomes qui le composent. Dix ans, encore dix ans à attendre pour la certitude d’être libéré de cette tare qu’est le JAPADOG.

L’arrogance naïve de l’homme qui n’avait pas connu JAPADOG.

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