Le Skill Tree du concepteur

Au fil des années, j’ai tenté d’élaborer un modèle permettant de décrire la grande diversité de concepteurs oeuvrant dans l’industrie. L’objectif de ce modèle, au-delà de réfléchir sur notre discipline, est d’être un outil de dialogue et d’introspection: quels sont nos talents? nos angles morts? Quel genre de cheminement de carrière veut-on avoir et à quoi peut ressembler notre futur dans l’industrie?

Que vous soyez étudiants, juniors ou vétérans, j’espère que ce modèle pourra vous être utile. Il est certainement imparfait et incomplet mais s’il permet d’ouvrir le dialogue, ce sera déjà ça de gagner pour l’améliorer!

Les trois piliers

Ah oui, trois piliers, représentés en Trifoce, how original! Mais c’est quand même ça, Skill Tree est d’abord organisé en trois grands axes:

  • Le travail d’équipe
  • Le savoir-faire
  • La démarche créative

Chaque pilier est son propre terrier de lapin et on pourrait en parler beaucoup trop longtemps, comme en témoigne mon brainstorm initial:

Mais prenons un peu de courage et sautons dans chacun, question d’au moins les survoler!

Le travail d’équipe

Ce pilier englobe la capacité du concepteur de collaborer autant avec ses pairs, ses supérieurs et les membres de son équipe multidisciplinaire. Cela inclut le vaste éventail de ce qu’on appelle parfois les « soft-skills« : capacités de communication, tant à l’oral qu’à l’écrit ainsi qu’aptitudes interpersonnelles et organisationelles. Pour un concepteur, cet axe est primordial car il se retrouve souvent dans le rôle de stakeholder ou de représentant de son unité de travail. Ce n’est donc pas anodin que le travail d’équipe se retrouve ainsi en tête du modèle. Pourtant, ces compétences sont souvent négligées ou considérées comme innées. Rien de plus faux, elles se développent et s’exercent comme toutes les autres.

Sous le travail d’équipe, je regroupe les compétences en trois rôles:

  • Le collaborateur: les capacités de communication, vulgarisation et de gestions de conflits.
  • Le stakeholder: les capacités à garder un dossier vivant, à le faire avancer, à fédérer les membres de l’équipe, à identifier les éléments manquants et à tenir informer les gestionnaires de projet.
  • Le formateur: les capacités à faire grandir le reste de l’équipe, ne serait-ce que par des interventions pertinentes sur le plancher mais aussi par des présentations et des formations.

Voici une liste des manières dont cet axe peut s’exprimer, rassemblées par rang.

  • Junior
    • Stratégie: emphase sur le rôle de collaborateur
    • Devenir un collaborateur agréable, participatif et engagé
    • Présenter le travail accompli de façon pertinente.
    • Être ouvert et à l’écoute du feedback constructif.
    • Savoir identifier les personnes ressources et s’appuyer sur leur expérience au bon moment.
  • Intermédiaire
    • Stratégie: début des responsabilités de stakeholder
    • Rédiger de la documentation claire et adaptée.
    • Savoir tenir une argumentation saine et constructive avec ses pairs.
    • Communiquer avec les producteurs et le leadership lorsque des bloquants surgissent.
    • Être proactif dans la résolution de problèmes et de conflits.
    • Déveloper la capacité à évaluer le temps nécessaire pour le réalisation de ses tâches.
  • Sénior
    • Stratégie: emphase sur le rôle de stakeholder et début du coaching
    • Maintenir un dossier actif en mobilisant une équipe multidisciplinaire
    • Maintenir une boucle de rétroaction positive avec l’équipe de développement pour qu’elle réalise la qualité attendue.
    • Comprendre les pipelines et les processus de développement de l’équipe.
    • Devenir capable d’estimer le temps que prendra l’atteinte d’objectifs multidisciplinaires.
    • Devenir une personne ressource sur le projet, capable d’aider et d’aiguiller quiconque vient lui poser des questions
    • Partager ses connaissances au quotidien.
    • Vulgariser les intentions design auprès des autres corps de métier.
    • Maintenir une bonne hygiène de travail et d’une attitude professionnelle
    • Prendre des notes de façon efficace et ordonnée
  • Sénior++ (expert, lead, etc.)
    • Stratégie: emphase sur le rôle du coach
    • Créer des formations, à l’interne comme à l’externe.
    • Maîtriser diverses formes de communications et d’outils:
      • Présentations devant public (ex: Powerpoint)
      • Présentations pré-enregistrées (ex: Adobe Premiere, Shotcut, etc.)
      • Présentations par streaming (ex: OBS)

Bien entendu, il ne s’agit ici que d’un cheminement « habituel ». Rien n’empêche un junior particulièrement callé dans un sujet d’offrir des formations à ses pairs ou d’être le stakeholder d’un dossier qu’il maitrise bien. Le but de l’exercice est plutôt d’offrir des jalons sur le genre d’activités et d’initiatives qui sont attendues d’une personne selon son niveau d’expérience.

Je suis conscient qu’un danger majeur guettant une telle liste est de pouvoir sembler définitive ou d’être prise comme des cases à cocher pour garantir une promotion. Ce n’est pas le but de l’exercice: c’est pour ouvrir le dialogue et identifier plus clairement ses propres forces et faiblesses en tant que concepteur. S’il n’y a qu’une chose à retenir c’est ceci: le travail d’équipe est central au rôle du concepteur dans l’industrie, il doit être valorisé et développé au même titre que les autres compétences.

Le savoir-faire

Par contraste avec le travail d’équipe, le savoir-faire représente ici l’ensemble des compétences spécifiques auxquelles on s’attend d’un concepteur. Quand on parle de « savoir-faire », on fait souvent une distinction entre les aptitudes de conception et techniques. Par conséquent, j’ai voulu représenter cette dichotomie en la séparant ainsi:

  • Le savoir-faire JEU
  • Le savoir-faire VIDÉO

Je trouvais ça mignon comme rappel à notre médium.

Savoir-faire: JEU

Tout d’abord, le côté JEU, il s’agit des connaissances théoriques, des techniques d’analyse et trucs pratiques du domaine de la conception. Ça commence souvent par les trucs pratico-pratiques tels que l’apprentissage et l’application de l’approche Nintendo dans la présentation d’une mécanique de jeu pour évoluer vers les principes fondamentaux de conception. La conception de systèmes, l’élaboration de règles, l’émergence de comportements de joueurs, l’analyse par graphiques de tension, par stratégie optimale, l’équilibrage, l’accessibilité, le UX, les 3Cs, etc. En conception de niveau, on parle des principes de directrices, de seuils visuels, de communication d’information par l’espace. Elles sont les compétences qu’on acquiert en développant concrètement des jeux, en cultivant sa curiosité, en lisant des livres sur le sujet, en discutant avec ses pairs et en s’inscrivant à des cursus scolaires de qualité.

Savoir-faire: VIDÉO

Du côté VIDÉO, on s’attarde désormais au développement logiciel à proprement parler. Soudainement, on quitte le royaume de la « conception papier » pour tomber dans l’univers concret des engins de jeu, du scripting, des Behavior-trees, des shaders, du blocking et plus encore. On développe ensuite des considérations au sujet de la performance, de l’optimisation, des structures de données ou de réutilisation pour ensuite avoir une compréhension du fonctionnement intime des machines qui font tourner nos jeux: que veut dire être CPU ou GPU-bound? Quelle stratégie d’optimisation doit-on déployée dans un cas plutôt que l’autre?

Il existe une tendance lourde dans l’industrie à exiger de telles compétences techniques chez nos concepteurs. C’est une tendance à laquelle je souscris car notre médium est fondamentalement technique et pour arriver à y réaliser nos visions, il faut savoir cerner le potentiel et les limites de notre médium. Ces capacités sont nécessaires non seulement à l’itération rapide sous forme de prototypes jetables mais aussi dans la production de contenu robuste qui pourra faire partie du produit final.

La démarche créative

Finalement, la démarche créative! Elle inclut non seulement l’insaisissable « créativité » mais aussi les nombreuses techniques pour la maintenir consistante, actuelle et pertinente. Malheureusement, il s’agit d’un aspect souvent occulté. On va dire que telle personne est « créative » et que l’autre ne l’est pas, que c’est un talent que certains ont ou n’ont pas. Pourtant,. derrière ce mythe du talent créatif « inné » se cache d’énormes efforts et des techniques qui méritent d’être exposées.

Je sous-divise la démarche créative ainsi:

  • L’interprétation
  • L’auto-actualisation
  • La confiance créative

L’interprétation

L’interprétation consiste à comprendre puis réaliser un brief créatif. C’est un exercice subtil qui demande au concepteur non seulement de saisir ce qui lui est demandé mais surtout d’y ajouter sa propre perspective. Il y arrivera en s’appuyant sur ses référents, ses expériences, ses outils et ses sensibilités personelles. Puis, c’est de réaliser une œuvre unique qui respecte néanmoins les bornes et les objectifs du brief. L’interprétation créative est souvent la force principale des freelancers, capables de rapidement cerner les besoins d’un client et de les interpréter dans un style qui leur est propre. On développe cette capacité en participant à des Game Jams, en se donnant des défis thématiques (ex: Blocktober) et en cherchant proactivement la critique constructive. Comme anecdote, je trouve aussi que d’écouter des compétitions créatives télévisées (ex: Les Chefs, Glow Up, Ru-Paul Drag Race, etc.) est une bonne manière de saisir les manières d’offrir une perspective unique et personnelle sur des briefs tout en respectant leur cadres. Essayez ça, c’est fun en plus!

Avec la maturité, les concepteurs apprendront aussi à reconnaître leur propre touche. Cette introspection est non seulement utile pour connaître notre valeur ajoutée mais aussi à savoir quand se mettre en danger, quand essayer quelque chose qui sort de notre zone de confort et de risquer ainsi d’en apprendre plus sur soi-même.

L’auto-actualisation

Assez simplement, l’auto-actualisation revient à se maintenir « à la page » avec ce qui se fait dans le médium. C’est donc l’effort supplémentaire que doit déployé un concepteur à observer les tendances de l’industrie, jouer aux derniers jeux de l’heure et utiliser ces informations tantôt pour s’inspirer, tantôt pour prédire les futures tendances.

Si jouer aux « jeux de l’heure » est l’approche la plus simple, elle est aussi un peu naïve. Nous ne disposons que d’un temps limité alors il faut être capable de développer des stratégies efficaces: regarder des streams, lire des reviews, discuter avec ses pairs, etc. À plus grande échelle, il faut aussi s’intéresser aux évènements de l’industrie: PAX, E3, MIGS, GDC et y participer pour s’exposer aux nouvelles idées et aux innovations intéressantes.

Par exemple, même si la mode passagère des NFTs pouvait être décourageante, comprendre leur fonctionnement et connaître les acteurs de l’industrie qui ont tenté (ou tentent encore, … bon sang… Ubisoft…) de surfer la vague nous rend tous meilleurs pour séparer les vrais phénomènes des feux de paille spéculatifs. L’auto-actualisation ne consiste donc pas qu’à savoir ce qui se passe mais aussi à être capable de se positionner quant aux évènements actuels.

J’observe une tendance chez les vétérans (et ça m’est arrivé à plusieurs occasions aussi), de se réfugier dans ses niches et arrêter de suivre l’actualité de l’industrie. On pense qu’on peut se maintenir à jours mais non, peu à peu, nos références prennent de l’âge et ne cadrent plus vraiment avec les attentes actuelles. Il faut faire un effort conscient et retrouver notre curiosité de début de carrière. Super Metroid c’est bien, mais le genre de Metroidvania a beaucoup évolué depuis!

C’est aussi la capacité à faire de la critique média. « Consommer » de façon intelligente du contenu et des jeux vidéo en utilisant ce temps non seulement comme loisir mais aussi comme manière de s’éduquer et réfléchir sur le médium.

Finalement, bien que j’ai insisté sur le domaine du jeu vidéo, j’inclus également la poursuite d’intérêts variés dans l’auto-actualisation. Plusieurs des grandes innovations de notre domaine sont venues en la croisée avec d’autres hobbies. Avoir une bonne culture générale, des intérêts multiples et entretenir une saine curiosité sont donc toutes des choses qui servent à élargissent le répertoire d’expériences dans lequel nous pouvons puiser dans le cadre de notre travail.

La confiance créative

Présenter le résultat d’une démarche créative, c’est souvent se rendre vulnérable, se mettre à nu, montrer de façon candide les idées que l’on a au plus profond de soi. Y’a quelque chose de vertigineux dans l’exercise, surtout lorsqu’on veut présenter quelque chose émotionnellement tendu.

Il n’y a pas de raccourci, on développe sa confiance créative par la pratique et en acceptant de se mettre en danger. Lorsque son supérieur nous demande de présenter notre travail, c’est d’accepter et gérer le stress qui vient avec cela.

Il y a aussi un autre aspect dans la confiance créative, plus subtil car il demande de l’introspection: pourquoi croit-on que notre idée est bonne? qu’est-ce qui fait qu’on aime ce qu’on a fait? Trouver ces réponses de façon honnête est non seulement utile pour aider à prendre confiance à ce que l’on présentera mais nous permet aussi, plus souvent qu’autrement, d’améliorer notre travail! Développer la confiance créative ne consiste donc pas à simplement développer son bagou et faire « passer ses idées » mais aussi à créer avec plus de conviction et d’intentionalité.

Usages concrets

Bon, voilà, on a établi un schéma mental pour nous expliquer les différentes compétences auxquelles devront faire appel les concepteurs, bravo. Mais comment ce modèle peut-il être utile? Voici quelques pistes:

  • Identifier les différents profils de nos concepteurs
  • Identifier les angles morts d’un concepteur
  • Identifier des plans de cheminement de carrière

Identifier les profils des différents concepteurs

Être capable de partager un langage commun autour des différents profils de concepteurs aide à faire valoir la diversité dans nos rangs. S’il peut arriver qu’on survalorise les compétences techniques, il arrive souvent qu’on néglige de souligner les concepteurs qui se maintiennent à jours dans ce que fait l’industrie ou qui continuent à développer leurs talents de rédaction de documentation.

Identification des angles morts

Si l’industrie a une compréhension assez commune du rang de « sénior », il arrive souvent qu’elle manque de réponses pour les vétérans qui veulent continuer de se développer. Je peux m’appuyer sur ce modèle pour discuter avec eux et détecter les endroits où ils n’ont pas encore eu la chance d’expérimenter et d’ainsi créer des opportunités pour que ça arrive.

Cheminement de carrière

Vous avez peut-être remarqué que les quatre axes correspondent à quatre cheminements de carrières communs dans notre discipline:

  • Le leadership (team lead)
  • L’expertise design (expert designer)
  • L’expertise technique (technical designer)
  • La vision créative (directeur de jeu, en jouabilité ou directeur créatif)

Avoir identifié les intérêts et talents naturels du concepteur peut permettre de dresser un portrait du type de carrière auquel il pourrait aspirer. Évidemment, nous sommes tous des êtres changeants et dynamiques alors il faut éviter de typer-caster une personne dans un rôle. Mais l’outil s’est tout de même révélé utile pour faire réaliser les choix qui s’offrent à un concepteur et quels sont les aptitudes qu’il doit chercher à développer pour atteindre ses objectifs.

Deadlock 101 – Les Phases de jeu

Deadlock est peut-être le nouveau jeu multi-joueurs, pas encore officiellement sorti, qui suscite actuellement le plus d’intérêt dans le milieu du gaming. Ce nouveau MOBA de Valve se démarque par ses nombreux emprunts aux hero-shooters et par son emphase sur la mobilité, rendant séquences de jeu très fluides. Leur formule a su attirer de nombreux joueurs issus des rangs d’Overwatch ou d’Apex Legends mais ces nouvelles recrues demeurent parfois perplexes: il s’agit bel et bien d’un MOBA, avec toutes les particularités un peu contre-intuitives du genre.

Je tenterai donc d’expliquer le déroulement d’une partie de Deadlock. Comme un MOBA traditionnel, on reconnait habituellement trois grandes phases: laning, roaming and team fighting. Nous allons les examiner une à la fois.

Phase #1 – Laning

La Laning Phase commence du début de la partie et s’étend généralement de dix à quinze minutes. C’est le moment où les joueurs restent dans leur ligne, faisant face à leurs adversaires. Leur objectif est de se propulser avantageusement dans le reste de la partie.

Objectifs:

  • Créer un différentiel de farm (monnaie) contre les adversaires.
  • Détruire le premier gardien de sa ligne.
  • Ne pas mourir.

Stratégie générale

Les joueurs débutants devraient se concentrer sur les last-hits (faire le dernier tir sur la creep ennemie puis détruire l’orb) et le deny (surveiller les creeps que vos adversaires sont en train de tuer et tenter de toucher l’orb avant eux). Le Deny de Deadlock est particulièrement efficace puisqu’il vol littéralement le farm à vos adversaires. Mais tout ça demeure moins important que : ne pas mourir.

Si ça va bien

Vous allez réussir à détruire le gardien de l’équipe adverse. Pousser votre ligne plus loin deviendra donc plus dangereux puisque vous devrez pénétrer davantage en territoire hostile. Dans cette position, vous êtes vulnérables aux embuscades. C’est donc probablement le temps de vous tourner vers les autres lignes et de supporter celles qui ont besoin d’aide. Félicitations, vous êtes entrés dans la phase #2!

Si ça va mal

Vous allez être repoussés jusqu’à votre gardien. Vos adversaires sembleront mieux coordonnés et très agressifs et vous serez donc mis sous pression. Pas de panique! Restez sous le couvert de votre gardien, continuez à last-hit et évitez de pousser votre ligne pour que vos adversaires soient obligés de jouer proche de votre gardien. Finalement, communiquez votre situation précaire à vos alliés. Peut-être que certains d’entre eux connaissent un meilleur début de partie et pourront venir vous aider. Surtout, ne devenez pas démoralisés, la première phase n’est jamais définitive. Si vos adversaires viennent à détruire votre gardien, ils vont probablement commencer à assister les autres lignes et vous aurez plus d’espace pour les rattraper dans votre farm.

Talents à développer

Les talents ci-dessous devraient être sur votre radar une fois que vous vous sentez confortables dans les objectifs fondamentaux de la première phase.

  • Calling miss: Si un héros adverse manque à l’appel, c’est bien d’en informer votre équipe. L’adversaire aurait pu décider d’aller dans une ligne voisine pour une ambuscade (gank) sur vos alliés.
  • Jungle Timings: apprenez les moments auxquels les creeps neutres et autres sources d’argent apparaissent près de vous. Consultez cette vidéo: Deadlock Guide: Full Breakdown of Match Key Timings (Cheat Sheet Included)
  • Creep Wave Control: apprenez à contrôler la creep wave. Par exemple, n’endommagez pas les creeps adverses sauf au tout dernier moment. Cela permettra de garder la wave en place OU de la rapprocher de votre gardien si les adversaires poussent. Au contraire, si vous tuez rapidement les creeps adverses, votre ligne sera poussée sur le gardien ennemi (shove). Il est recommandé de pousser votre ligne dans le gardien adverse avant d’aller faire des achats ou des objectifs secondaires.

Phase #2 – Roaming

Le roaming est une phase mobile assez difficile à saisir pour les nouveaux joueurs. D’abord, parce que tous n’y entrent pas en même temps. Les joueurs qui ont gagné leur ligne entreront en roaming plus rapidement tandis que ceux qui tirent de l’arrière y arriveront plus tard. C’est justement aux alliés en avance de porter assistance aux lignes défavorables pour tenter d’effacer l’avantage adverse. Cette phase se complète généralement au moment où les walkers ennemis sont détruits et que le mid-boss vient d’être complété.

Objectifs:

  • Tuer les adversaires qui ont connu un bon début de partie
  • Détruire les Walkers adverses
  • Sécuriser les urnes

Stratégie générale

Bravo, vous avez gagné votre ligne. C’est le temps d’aider vos alliés. Surveillez la minimap et identifiez des lignes qui pourraient être attaquées. Les meilleures lignes seront celles qui sont poussées dans votre territoire et qui n’ont qu’un ou deux adversaires. Coordonnez-vous avec vos alliés proches de cette ligne quant à savoir s’ils peuvent vous assister dans votre embuscade. Comme bonus, prenez le temps de tuer les creeps neutres et de récolter les boîtes lorsque vous vous dirigez vers votre cible.

Lorsqu’il n’y a pas de ligne propice à une telle manœuvre, tournez-vous vers l’urne. Sécurisez l’urne est primordial pour creusez le différentiel de farm global et vous assurez des team fights décisifs en fin de partie.

Lorsque vous êtes en supériorité numérique (+1-2 héros), poussez une ligne avec des alliés pour détruire un walker. Ça va forcer les adversaires à venir défendre, ce qui vous permettra de les tuer (meilleur scénario) ou d’acheter du temps à vos autres alliés qui pourront alors compléter un objectif tel que l’urne.

Finalement, lorsque vous êtes en très grande supériorité numérique ou que le différentiel de farm est significatif (>10k), songez à faire mid-boss pour entrer dans la phase finale.

Si ça va bien : restez mobiles

Une grande erreur pour les joueurs qui gagnent leur ligne en début de partie est de… rester dans leur ligne. Oui, vous continuerez à prendre de la valeur mais à ce stade-ci vous devriez cesser d’être égoïste et plutôt aider vos lignes en difficulté.

Un différentiel de farm élevé n’a de valeur que si l’ensemble de l’équipe est en avance. Si un seul joueur est beaucoup plus en avance que toute son équipe, il deviendra une cible facile pour les adversaires qui feront tomber tout le château de cartes en l’éliminant.

Ne soyez pas ce joueur qui reste obstinément dans leur ligne malgré une avance de 10k sur son équipe : vous ne servez à rien.

Si ça va mal : cyclez hors de votre ligne

Les joueurs qui trainent de la patte vont souvent avoir tendance à s’entêter dans leur ligne et à la pousser. C’est compréhensible, ça génère du farm. Cela dit, si l’équipe adverse est rendue dans leur phase mobile, elle ciblera spécifiquement les joueurs seuls qui continuent à pousser leur ligne. Quand vous tirez de l’arrière et que les premiers gardiens sont éliminés, cyclez d’une ligne à l’autre plutôt que d’en pousser une jusqu’au walker adverse.

Phase #3 – Team Fight

La phase de team fight peut commencer entre 25 et 30 minutes. C’est le moment où les affrontements se corsent, les walkers sont détruits et les temps de respawns dépassent 45 secondes. C’est le moment où chaque avantage sur lequel vous avez capitalisé vous permettra de gagner plus facilement ces engagements. C’est aussi le moment des grands revirements, une équipe mal coordonnée, où plusieurs joueurs continuent d’œuvre seuls, aura tendance à s’incliner dans cette phase ultime.

Finalement, c’est aussi le moment où farmer n’est plus vraiment pertinent. Vous devriez tenter par tous les moyens de terminer la partie et de rester groupé.

Objectifs:

  • Garder toutes les lignes poussées
  • Gagner un combat d’équipe décisif

Les seuls moments où des joueurs devraient être seuls, c’est lorsqu’ils prennent un court détour pour repousser une ligne. Sinon, il faut travailler en équipe et tenter de provoquer des combats de groupe. Si vous avez tué le mid-boss, il faut être d’autant plus agressif dans cette démarche puisque votre temps de respawn est coupé de moitié.

Si vous arrivez à créer une supériorité numérique de 3-4 et que vos lignes sont poussées, c’est potentiellement le moment décisif. Regroupez-vous tous et entrez dans la base ennemie pour tout détruire. Surveillez les temps de respawn ennemis et tentez d’éliminer les derniers qui défendent pour maintenir votre supériorité numérique jusqu’à l’élimination du patron adverse.

C’est aussi peut-être le moment de tous vous battre jusqu’à la mort car si vous êtes éliminés, l’équipe adverse n’aura généralement pas le temps de détruire votre propre base puisqu’elle doit d’abord se concentrer sur repousser toutes les lignes.

Voilà donc une analyse bien sommaire des trois grandes phases de Deadlock. J’espère que certains d’entres vous aurez pu apprendre quelque chose. Cela dit, les MOBAs sont des jeux dynamiques, complexes et difficiles à maitriser. Ils font appel à une vaste gamme de talents et il faut donc y aller une bouchée à la fois dans leur apprentissage. Au final, il faut se remémorer que le voyage est plus important que la destination et que l’important est de continuer à s’amuser!

Le jeu d’évasion – Un Deep Dive

Je me souviens encore de ce moment où je discutais de ma semaine de travail avec un groupe d’amis. Nous étions décontractés et heureux de pouvoir partager un moment ensemble. Puis, une infirmière fit son entrée dans notre pièce, son air sévère fit taire nos vaines discussions. Nous comprenions que l’heure était grave et qu’il fallait la suivre immédiatement pour lui venir en aide. Nous sillonnâmes alors quelques étroits corridors en la suivant, tentant de suivre ses instructions alambiquées. Puis elle s’arrêta devant une grosse porte et se retourna vers nous. Nos airs médusés la poussèrent à se faire rassurante: « Y’a pas de stress, là! On va être avec vous pis si vous avez besoin d’aide vous aurez juste à demander! ». Sachant que le poids du monde moderne tel qu’on le connait pesait alors sur nos épaules, j’aurais préféré un speech motivationnel un peu plus inspirant mais j’allais devoir m’en contenter car elle ouvra la porte de bois et nous y invita à entrer avec urgence.

Une fois tous entrés, la porte se referma. Elle se ne réouvrira que soixante minutes plus tard. Livrés à nous-mêmes, nous scrutions les moindres détails de la pièce. Nous étions dans une sorte de laboratoire biomédical. Des livres et des notes laissées à la hâte étaient éparpillés, de l’équipement de laboratoire nous intimidait et il y avait même quelques écrans visiblement endommagés qui émettaient de la lumière bleue. Nous étions impressionnés mais aussi confus et puis soudain, on cogna violement dans une porte secondaire au fond de la pièce. On entendit une voix nous implorer à l’aide puis des hurlements d’horreur mélangés à des grognements de créatures. Nous étions sous le choc et pourtant c’était le temps de passer à l’acte. J’ai peu de souvenirs des soixante minutes suivantes mais je me souviens d’avoir utilisé un dictionnaire anglais-russe, d’avoir utilisé des verres polarisés pour lire des indices sur des écrans et d’avoir dû mettre les mains dans le cambouis en manipulant des morceaux humains factices.

C’était pour tout le monde du groupe notre première expérience d’une Escape Room. Dans cet univers, il y a souvent quelqu’un d’expérimenté qui sert d’initiateur mais pas dans notre cas. Inutile de dire que nous avons échoué l’énigme finale non sans beaucoup de pression, un peu de panique et finalement beaucoup de plaisir. J’ai depuis multiplié l’expérience avec différentes personnes et les Escape Rooms font partie de quelques de mes hobbies préférés. Si je visite une nouvelle ville, je tenterai à coup sûr de découvrir ce que leur scène locale peut offrir! Une excellente manière de tuer quelques heures lors d’un après-midi pluvieux.

Bon, si je vous raconte tout cela, c’est qu’aujourd’hui j’ai le goût de me lancer dans une analyse plus approfondie du sujet. J’ai envie de mettre ma lentille analytique de concepteur et de réfléchir à certains aspects du phénomène pour, je l’espère, arriver à de nouvelles perspectives. Ce texte sera forcément long puisque j’y me permettrai de geek out à loisir! Mais voilà un peu ce à quoi vous pouvez vous attendre: nous partirons d’une une petite histoire du jeu d’évasion pour ensuite le comparer à d’autres activités similaires pour aboutir sur un véritable cadre d’analyse (enfin, je l’espère). Ce cadre divisera le jeu d’évasion en trois composantes fondamentales. Puis, chaque élément sera passé à la loupe pour mieux comprendre son impact sur l’expérience. Au bout de l’exercice, j’espère produire une grille de critères bien argumentés pouvant être utile à la conception comme à la critique des jeux d’évasion!

Le programme est charnu et nous ne nous rendrons pas à sa fin aujourd’hui. Cet article se déclinera donc en plusieurs billets!

Petite histoire

L’ancêtre des jeux d’évasion grandeur nature, les jeux « Escape the Room » (en image, The Crimson Room)

À la lisière entre la chasse au trésor, le jeu d’énigme et le LARP (Live Action Roleplaying), les Escape Rooms occupent une place unique dans les expériences interactives. Introduites au Québec en 2013, on en dénombre plus de 200 dans la belle Province et près de 50,000 partout à-travers le monde. Ce hobby grandeur nature tire ses origines du jeux vidéo. À l’aube des années 2000, un nouveau genre de jeu « Escape the room » gagne en popularité sur Internet. Ces courtes expériences développées sur la plateforme Flash demandent aux joueurs de résoudre des énigme pour sortir d’une pièce et s’en évader. C’est le concepteur Japonais Takao Kato qui, inspiré par ces petits jeux, imagine d’en transposer l’expérience vers le grandeur nature. Il fonda l’entreprise SCRAP et inaugura en 2007 ce que plusieurs estiment être la première Escape Room. Par ailleurs, son entreprise existe toujours et a continué d’offrir de nouvelles expériences partout à-travers le monde tout au long de son existence.

Il est donc intéressant de constater comment les jeux vidéo et le grandeur nature sont à l’origine même des jeux d’évasion. Je dirais que de ces deux inspirations, ce sont les jeux vidéo qui en teintent le plus fortement l’expérience. En effet, les joueurs y ont un objectif clair, leur progression est parsemée d’embuches qu’ils doivent surmonter et il y a beaucoup d’emphase mise sur le résultat final: la douce victoire ou l’amer défaite!

Ces éléments distinguent tous les jeux d’évasion des grandeurs natures où les objectifs ne sont pas toujours aussi fermement établis, où il y a place à improvisation et où il existe une négociation implicite avec le maître de jeu et les autres joueurs qui peut changer le cours d’un scénario si cela résulte en une meilleure expérience. Attardons nous justement au grandeur nature pour mieux comprendre où se situe le jeu d’évasion dans cet univers.

Grandeur nature

Whoops, pas l’même genre de trip, mettons…

Comme on l’a vu, si les salles d’évasion tirent leur origine des jeux vidéo, elles n’ont toutefois trouvé leur identité qu’en se mariant avec le grandeur nature. Cette forme de jeux de rôle immersif demeure plutôt vaste et mérite que l’on s’y attarde. Je ne ferai qu’un bref survol de ses différentes forme: à son plus simple, le grandeur nature peut être des soirées meurtres et mystères. Cela dit, l’activité trouve son sens plus profond et mémorable dans ses formes les plus sophistiquées: de longues simulation militaires avec des armes Airsoft, des jeux de rôle costumés où règnent intrigues politiques et tromperies, des rassemblements guerriers de plusieurs centaines de personnes où l’on se bastonne avec des armes en mousse, des foires médiévales ou des reconstitutions historiques et plus encore. Si toutes ces activités ont quelque chose de similaires en ce qu’elles transportent les joueurs dans un autre univers, toutes ne demandent pas le même engagement.

Niveaux d’engagement

En effet, si une soirée de meurtre et mystère demande un minimum de costumes et de théâtralité, les grandeurs natures telles que le Duché de Bicolline demandent à ses joueurs d’incarner un personnage qui évoluera dans un univers où la riche trame narrative est construite collaborativement, les joueurs doivent être costumés de manière crédible et jouer un personnage qui évoluera au fil de ses aventures.

On reconnait alors un spectre d’engagement sur lequel se positionne différemment chaque type de grandeur nature. Cet engagement pourrait être compris sous trois axes:

  • Préparation: combien de temps et d’argent faut-il mettre avant de participer? Y a-t-il de l’équipement à se procurer, des règlements à apprendre ou un personnage à concevoir?
  • Persistance: l’expérience persiste-t-elle d’une session à l’autre? Les campagnes s’étendent elles sur des semaines, jours, mois, années?
  • Théâtralité: à quel point doit on incarner un personnage extérieur à nous même?

Voyons comment les activités évoquées précédemment se comparent sur ces trois axes.

Une analyse d’en serait pas une sans graphique, pas vrai?

Sur ce spectre, le jeu d’évasion se trouve définitivement au bas de l’échelle. L’activité ne requiert aucune préparation, n’est pas persistante ni théâtrale. En effet, on n’exige de ses joueurs que d’être présents et de participer. L’activité se boucle normalement en soixante minutes après quoi il ne reste plus qu’à prendre une bière pour célébrer. Finalement, côté théâtralité, on pourrait dire que les joueurs ne s’incarnent qu’eux-mêmes, seuls les animateurs, lorsqu’ils sont présents, doivent en faire preuve.

Les jeux d’évasion se révèlent donc comme une forme très accessibles de grandeur nature. Cette accessibilité doit être vue comme un atout et des organisateurs de grandeurs natures majeurs feraient bien de songer à proposer des expériences similaires pour attirer un public plus large dans leur univers. Dans une perspective plus large, je m’interroge pourquoi il n’y a pas plus d’évènements promotionnels qui intègrent des jeux d’évasion ni pourquoi ce genre d’expérience n’est pas traitée comme une avenue supplémentaire dans la démarche transmédias propriétaires d’IP tels que Disney, Nintendo, etc. Je m’imagine très bien une salle d’évasion éphémère sur le thème de Professeur Layton ajoutée au kiosque de Capcom au Tokyo Game Show! En la matière, je souligne l’initiative du groupe Défi Évasion qui a conçu en collaboration avec la microbrasserie La Souche une salle d’évasion thématisée.

CADRE THÉORIQUE

Comme j’adore les expressions pompeuses, il est grand temps d’élever le discours entourant le jeu d’évasion en proposant un véritable cadre théorique d’analyse, rien de moins! Mon espoir est qu’il permettra de comprendre ce qui fait la qualité d’une bonne salle d’évasion et d’en extraire les meilleures pratiques.

Le cadre se décline en trois plans d’analyse qui inspectent chacun un aspect fondamental de la salle d’évasion. Ces trois plans sont: les défis, l’espace et la mise en scène. Nous nous attarderons à chacun de ces plans pour lesquels je me livrerai à quelques réflexions pas toujours abouties ou structurées.

Les défis

Ce qu’on entend ici par défis est l’ensemble des épreuves auxquelles sont soumis les participants. Il s’agit probablement de ce qui nous vient intuitivement en tête lorsqu’on pense aux jeux d’évasion. Le nom du genre nous évoque par lui-même qu’il faudra s’évader de quelque part et il suffit de suivre ce thème pour être gagné par des images où l’on trouve des clefs, résout des énigmes et perce finalement le secret pour prendre la fuite.

Mais clarifions et organisons d’abord cette notion de défi. Je les ai d’abord rassemblés sous trois grandes catégories: physique, réflectif et social. Voyons quels genres de défis chacune comporte:

Défi physique

  • Observation: observer son environnement et en extraire des indices pour progresser. L’observation est le plus souvent visuelle mais peut faire appel aux autres sens: être à l’affût de sons, écouter les paroles d’une chanson, etc.
  • Fouille: une observation active où l’on cherche son environnement pour trouver des objets, des indices ou des outils pour progresser.
  • Manipulation: l’interaction avec les éléments du décors ou des objets, appuyer sur un bouton, tirer sur un levier, utiliser des outils ou manier une lampe de poche.
  • Déplacements: parcourir l’espace, monter une échelle, ramper au sol, escalader, etc.

Défi réflectif

  • Diégétique: faire des liens avec les informations disponibles dans l’environnement, solutionner des énigmes, comprendre des symboles.
  • Extradiégétique: tout ce qui fait appel aux connaissances, culture générale, mathématiques, langues étrangères, etc.

Défi social

  • Coordination: les joueurs doivent réaliser une action en même temps, ils doivent se taire pour entendre quelque chose, etc.
  • Communication: exprimer ses idées, ses observations, formuler des requêtes, indiquer une tâche complétée, etc.
  • Coopération: collaborer en même temps sur un problème, diviser les tâches, formuler un plan, etc.
  • Gestion émotionnelle: créer un climat de coopération sain, tempérer ses humeurs et celles des autres, etc.

Cette liste ne se veut pas exhaustive et je suis certain que les plus vifs d’esprit trouveront de nouveaux exemples à y ajouter. J’espère seulement qu’elle exprime suffisamment la diversité d’expériences à laquelle peuvent s’attendre les participants.

Et tant qu’à invoquer la diversité, parlons-en donc un peu.

Diversité des défis

S’il faut trouver un thème et une ligne directrice à nos défis, il faut aussi s’assurer de leur diversité. Lorsque plusieurs tâches se présentent devant des joueurs, celles-ci devraient être de nature suffisamment distinctes pour que chacun se les sépare intuitivement en fonction leurs intérêts. Le sentiment d’être la personne toute désignée pour réaliser un défi flatte l’égo et motive à l’action. Alors pourquoi ne pas s’assurer que ce sentiment grisant soit partagé en offrant des défis aussi diversifiés que possible?

La diversité dans la nature des défis prévient aussi l’impression de redondance. Dès lors que les joueurs arrivent à anticiper ce qui s’en vient, ils seront sortis du moment présent et auront l’impression d’avoir percé les intentions des concepteurs, brisant leur immersion. Je me souviens d’une salle d’évasion qui ne proposait qu’une série d’énigmes sur papier, l’une après l’autre. Les solutions d’une énigme ne permettait que d’accéder à la prochaine qui était de nature similaire. Cette structure linéaire (nous y reviendrons) et cette redondance dans la nature des défis ont eu pour effet de miner ma motivation et de me faire prendre conscience du jeu auquel j’étais soumis. Dans ces fâcheuses dispositions, difficile de revenir dans l’espace mental qui permet de jouir de l’immersion.

Structure des défis

Cette analyse ne s’est pour le moment bornée qu’aux défis individuels, chacun pris un à un. À présent, il faut élargir notre point de vue et les considérer ensembles, structurés. La manière dont les défis s’emboîtent et se succèdent joue un rôle déterminant dans l’expérience des joueurs alors il mérite que l’on s’y attarde.

Une structure linéaire signifie que des défis se succèdent l’un après l’autre, que chaque défi soit subordonné à l’autre puisque que la condition d’entrée de l’un soit la fin d’un autre. Plus concrètement, imaginons l’exemple d’un joueur solutionnant  ne énigme mathématique pour découvrir la combinaison d’un cadenas. Ce cadenas une fois ouvert permet l’ouverture d’une boîte où se trouve des morceaux de papier déchirés. Une fois reconstitué, le papier dirige vers une autre énigme de la salle. Dans cette suite où chaque défi est subordonné à son prédécesseur, on reconnaît une structure linéaire.

Un certain niveau de linéarité est inévitable. Elle peut même être positive dans une certaine mesure puisqu’elle garde le joueur en action, lui permet de le guider facilement et qu’elle donne un bon sentiment de progression. Cela dit, ses bienfaits s’arrêtent là.

En effet, d’abord parce que la linéarité sous-entend qu’un seul défi est réalisable à la fois. Pourtant, les jeux d’évasion se jouent en équipe. Imaginons un instant l’exemple donné plus tôt mais en équipe. On imagine le groupe qui vient d’ouvrir le cadenas tenter de s’agglutiner pour essayer de voir les morceaux de papiers à reconstituer. Puis, si tout le monde y met de son grain de sel, on se retrouve avec trop de chefs dans la cuisine. Seuls certains joueurs manipuleront les morceaux de papier tandis que les autres seront recallés au rang de spectateurs qui ne feront que distraire les autres en intervenant: « met le à gauche! Non pas ce morceau-là, non je parlais à Guylain… »

Bref, dans le contexte d’une salle d’évasion où participent souvent jusqu’à six joueurs, travailler sur une seule énigme à la fois et ainsi progresser linéairement mènera nécessairement à des frictions. La structure linéaire empêche le groupe d’exprimer ses capacités de coordinations en se partageant des tâches qui avanceront dès lors parallèlement.

Même dans un contexte où il y a moins de joueurs, disons deux ou même un seul, pouvoir avancer sur plusieurs pistes à la fois donnent des options. Si un joueur se sent bloqué sur une énigme, il pourra prendre une pause tout en demeurant productif en travaillant sur un autre défi.

Finalement, la linéarité est également ennuyeuse puisqu’elle est forcément prévisible et redondante. On l’évitera donc à tout prix en concevant différentes pistes d’indices qui se diviseront, se croiseront et s’achèveront. S’il faut néanmoins prévoir quelques points de convergences où l’équipe se rassemblera, il faut s’assurer d’avoir une structure majoritairement non-linéaire pour toutes les raisons citées précédemment.

Défis sociaux

J’ai d’abord hésité d’ajouter les défis de nature sociale à cette liste. En effet, contrairement aux défis physiques et réflectifs qui sont conçus, les défis sociaux, eux, sont généralement induits. Puisque les jeux d’évasion sont réalisés en équipe et que leur membres sont mis sous pressions, la gestion de l’aspect humain en devient un élément intrinsèque. Cela dit, j’ai tenu à l’ajouter puisqu’un concepteur peut influencer directement et indirectement sur l’aspect social.

Influence indirecte

Nous pouvons imaginer une salle d’évasion se déroulant dans une discothèque où une musique tonitruante rendrait difficile les communications. Les joueurs devront crier ou se rapprocher les uns des autres pour se parler. L’environnement influence ici sur un canal de communication en le brouillant. Dans un autre ordre d’idée, songeons maintenant à une salle au thème d’horreur. Une telle salle serait remplie de scènes horribles, truffées de malicieux jump scares ou d’autres ténébreuses surprises, augmentant le stress et l’adrénaline de ses participants. Tout cela rendrait plus difficile la gestion émotionnelle et la communication et on comprend que l’on influencerait ici sur leur ressenti.

En somme, il s’agit ici de réfléchir aux manières dont la salle brouillent les canaux de communication ou manipulent les émotions de ses joueurs. Bien maitrisés, ces éléments parasites seront cohérents avec la thématique et contribueront au sentiment d’immersion. Ils augmenteront aussi forcément le niveau de difficulté.

Défi de coordination

Les défis directement sociaux sont ceux qui demandent de la coordination. De multiples exemples me viennent alors en tête: un défi qui demande à de multiples joueurs d’appuyer en même temps sur des boutons situés à différents endroits dans une pièce, un autre qui demande au groupe de réciter en chœur les paroles d’une incantation déchiffrée, un autre qui demande de former une chaîne humaine pour relier deux (faux) pôles électriques ou finalement avoir un joueur dans une autre pièce communiquant des instructions à suivre aux autres.

Il s’agit donc de défis qui requièrent explicitement la collaboration de plusieurs joueurs dans le temps et l’espace.  Ce genre de défi est un outil puissant pour conclure une énigme puisque les joueurs en partageront le succès. La coordination est aussi au cœur de ce qui contribue au fameux Team Bonding recherché par les compagnies qui envoient des employés participer ensembles.

Pourtant, ces défis sont moins fréquents qu’on pourrait penser! Leur absence d’une salle d’évasion est pour moins une faute grave puisque c’est passer à côté d’un des éléments uniques que peut offrir cette activité de groupe.

Conclusion

Ouf! Nous avons regardé comment les origines des jeux d’évasion ont orientés leur conception pour ensuite l’identifier comme une forme très accessible de jeu grandeur nature. Nous avons ensuite entrepris de décomposer l’activité en ses trois composantes: défis, espace et mise en scène. N’ayant pas toute la vie devant nous, nous nous sommes limités au premier de cet élément en offrant une certaine catégorisation et des commentaires sur différents aspects importants à considérés. Nous poursuivrons notre analyse en nous penchant ensuite sur la conception de l’espace et de la mise en scène.

J’espère que vous aurez apprécier la lecture de la même manière que j’ai apprécié y formaliser les idées!