Tuto Fighting Games: le buffering

Jeux applicablesStreet Fighter pris en référence mais s’applique à presque tout les jeux de combat 2D.
Niveau de techniqueIntermédiaire à avancé

Rien de plus frustrant que de combattre un adversaire au jeu hermétique, entièrement maintenu au sol et basé sur le contrôle de l’espace avec des longs pokes rapides. Ryu est un personnage emblématique de ce genre de stratégie avec son excellent crouching medium kick. Cette attaque est tellement bonne que vous aller assurément rencontrer des joueurs qui en abusent, en maneuvrant au sol pour que l’attaque touche toujours au maximu de son allonge, la rendant extrêmement difficile à punir. Pourtant, cette stratégie n’est pas sans danger. Il existe des techniques pour la vaincre et nous allons en explorer une, le buffering utilisé à mi-distance. Cette technique est également intéressante pour surprendre des joueurs de personnages aux pokes très longs tels que Dhalsim. Cela dit, bien que tout les personnages peuvent utiliser le buffering, seuls certains d’entres eux peuvent la rendre efficace.

La base

La technique consiste à lancer une attaque normale suivie immédiatement par la motion d’une attaque spéciale, d’un super, ou de toute autre technique qui peut se canceller à partir de cette attaque. Si l’attaque normale fend l’air, le spécial ne sortira pas. Mais si l’attaque touche l’adversaire, le spécial sortira très rapidement. Le buffering enlève donc le besoin de hit-confirm.

La vidéo suivante illustre la technique. Remarquez comment le joueur de Ryu utilise son coup de pied léger immédiatement suivi par la motion du super. Lorsque le coup de pied fend l’air, le super ne sort pas mais dès que Chun-Li s’avance et se fait toucher, le super est automatiquement lancé.

Les détails

Cela dit, pour être efficace, la technique doit être employée dans les paramètres suivants:

  • L’attaque normale employée est rapide, contrôle bien l’espace et est très difficile à whiff-punish.
    • Le standing light kick de plusieurs personnages (Ryu, Ken, Zangief, etc.) est généralement un bon candidat.
  • L’attaque spéciale mise en buffer derrière est rapide et possède une bonne allonge (ex: un projectile).
  • L’attaque normale doit être lancée juste à l’extérieur de son allonge maximale pour qu’elle fende l’air si l’adversaire ne fait rien.

L’objectif est donc que l’attaque normale fende l’air SAUF si l’adversaire:

  • Lance une attaque normale plus lente, qui sera contrée par la vôtre.
  • L’adversaire décide de s’avancer, croisant la hitbox de votre attaque.

Dans ces deux cas, l’adversaire sera touché par l’attaque normale et par l’attaque spéciale mise en buffer.

Anatomie de l’attaque idéale

LE PRÉSIDENT DU MONDE!!!

G est un personnage redoutable en neutral grâce à son Standing Light kick lui permettant d’appliquer la technique du buffering en neutral de façon très efficace.

  • L’attaque est rapide (démarre en 5 frames).
  • Elle reste active plus longtemps (3 frames) que la moyenne des attaques légères.
  • Elle touche très près du sol, permettant de vaincre les autres pokes au sol (tels que le maudit cr.mk de Ryu!)
  • Elle se cancel en Ex G Smash Over, une attaque spéciale extrêmement rapide qui mène à d’énormes dégâts.
  • Pour toutes ces raisons, cette attaque est une menace en neutral.

Voici le tout mis en oeuvre et le genre de dégâts que ça donne:

Exemple d’application en match

La vidéo suivante est un célèbre exemple où Daigo Umehara utilise le crouching heavy punch de Ryu avec son super en buffer pour punir le pauvre Dhalsim d’Arturo Sanchez qui abusait de l’excellent standing heavy punch de son personnage.

Je me souviens encore d’avoir vue ça LIVE à l’époque et d’être aussi impresionné que les commentateurs!

L’empoisonnement compétitif

J’ai la chance de faire partie d’une petite communauté de fans de jeux de combat dont les membres ont à cœur la bonne entente, l’inclusivité et le maintien d’un rapport sain avec le hobby. Par sain, j’entends d’éviter de faire du gatekeeping ou de juger le talent de ses pairs. L’objectif est de promouvoir un environnement où l’on se sent libre d’apprécier les jeux de combat sans pression de performance. Pourtant, malgré toute notre bonne volonté, il m’arrive de constater combien il est facile de glisser vers des attitudes toxiques face à ces jeux et, plus largement, avec la compétition. À défaut d’un meilleur nom, j’appellerai ça l’empoisonnement compétitif.

Ce phénomène, il se constate chez les personnes qui n’ont même plus l’air d’apprécier leur hobby, qui semblent obsédées par la victoire et donc la seule importance semble être la performance à tout prix. Peut-être certains d’entre eux caressent même secrètement le rêve de devenir athlète ESport ou, en tout cas, de se comporter comme tel. Pourtant, cette attitude nuit grandement à leur développement. Sans le savoir, ces joueurs ont bu la ciguë du ESport. J’ai le goût aujourd’hui d’explorer les symptômes de cet empoisonnement. Ayant moi-même déjà fait partie de ses victimes, j’espère que ces réflexions permettront à certains d’examiner leur propre rapport avec le hobby et d’éviter le tomber dans le même piège qui a failli m’engloutir!

Mise en contexte

Mais d’abord, un peu d’introspection. Pourquoi ai-je commencé à jouer aux jeux de combat? J’accumule déjà plus de quinze ans d’expérience à tirer des Hadoukens et à organiser des évènements et je ne crois pas m’arrêter de sitôt (j’ai d’ailleurs un peu écrit sur le sujet ici). Mais sans ambages, j’ai commencé à jouer à ces jeux parce que j’étais charmé par l’idée toute simple de casser la gueule (virtuellement) à mes amis et collègues. Puis, j’ai accroché sur la profondeur des mécaniques, la diversité des stratégies, l’expression personnelle qu’elles permettent et finalement sur le sens réel de camaraderie qui se développe autour d’un genre qui se veut paradoxalement ultra-compétitif. Les jeux de combat ont toujours été une manière de connecter avec d’autres personnes aussi passionnées de jeux vidéo, intéressées par le désir de s’améliorer et par la saine rivalité qui nous tire vers le haut.

Heureusement, la majorité des débutants qui plongent dans l’univers de la FGC semble être animée du même désir. Cela dit, avec le temps, j’ai vu naître une nouvelle classe de joueurs qui entretiennent un drôle de rapport avec le jeu. Ils sont anxieux, gênés, ils ne peuvent pas tolérer de perdre et pourtant ne jouent que si peu pour s’améliorer. Ils sont opiniâtres, à en devenir des gérants d’estrade, mais leurs propos manquent de substance ou sont carrément faux. Ce sont eux qui, compétitivement empoisonnés, croient que la seule manière de jouer est celle des professionnels. Regardons un peu plus comment ils se comportent.

L’idéalisation du « bon jeu »

Tout d’abord, ces joueurs semblent avoir une conception idéalisée de ce qu’est « bien jouer ». Leurs idées préconçues proviennent de leurs recherches sur Internet, de threads Reddit, d’écoute de tournois de haut niveau ou de tutoriels YouTube aux titres clickbaits. Ces joueurs tenteront naïvement d’analyser leur jeu à-travers la lentille ultra-performante des compétiteurs internationaux et perdront toute perspective sur leur propre niveau et celui de leurs adversaires.

Le cas du reversal Invincible

Un exemple classique sera d’insister à quel point masher un reversal invincible est une « mauvaise technique que seuls les scrubs utilisent ». Ce genre d’opinion est livré de façon péremptoire, tel un axiome auquel déroger ferait immédiatement de nous un mauvais joueur.

Le Shoryuken, technique de terroriste depuis SF2

D’accord, attaquons-nous à cette idée. Un shoryuken en reversal, c’est puissant. Ça permet de renverser la pression et de potentiellement reprendre le contrôle d’un round. Mieux encore, un super en reversal peut surprendre un adversaire confiant et le faire perdre sur le champ! Quand on « mash le reversal », on fait la motion de l’attaque à répétitions dans l’espoir qu’elle sorte dès qu’une ouverture se crée dans l’offensive ennemie. Puisque la technique manque de finesse, certains joueurs la considèrent comme déshonorable. Pourtant, même les plus grands tels que Daigo Umehara avouent qu’ils vont masher à l’occasion. Alors pourquoi est-ce considérée une mauvaise technique si même les meilleurs l’utilisent? Tout est question du calcul risque/bénéfice. Masher un reversal, c’est facile à exécuter. Si l’adversaire l’anticipe, il peut parer l’attaque et punir le reversal avec une contre-attaque. À haut niveau, cette contre-attaque peut être foudroyante! C’est d’ailleurs ce que vous constaterez en écoutant des tournois où un joueur désespéré, craquant sous la pression, tente un reversal invincible contre son adversaire qui, en contrôle, aura déjà préparé sa contre-attaque pour rafler la victoire dignement.

Bon, revenons à nos joueurs débutants à l’esprit empoisonné. Puisqu’ils regardent avec attention ces tournois pour apprendre, ils comprendront rapidement que de masher le reversal est une mauvaise idée et se priveront de le faire. Pis encore, ils conseilleront leurs amis d’en faire autant! L’idée suffit de s’installer ainsi et on se retrouve avec un groupe de joueurs débutants qui n’utiliseront jamais un reversal mashé. L’idée est devenue un dogme, et on a oublié pourquoi il est dangereux de masher un reversal: car on s’expose à une contre-attaque. Pourtant, cette punition n’est pas une fatalité. Au contraire, il faut que votre adversaire soit en mesure de la réaliser et il est bien plus difficile de réaliser un combo optimal en punition! On peut donc déduire que le risque est fonction du niveau de votre adversaire. Si vous êtes débutant et que vous faites face à un autre joueur de votre niveau, incapable d’exécuter des combos, masher un reversal devient surpuissant!

C’est donc là que l’on observe toute la naïveté du joueur qui, s’obstinant à « bien jouer » se refuse d’utiliser une technique qui serait, au contraire, très adaptée à son niveau. Plus dramatique encore, s’il perd face à un joueur qui utilise cette technique, il pourra balayer la défaite du revers de la main et maintenir qu’il est le meilleur joueur malgré tout puisque l’autre n’a fait que « masher son maudit shoryuken toute la game ». On voit donc le mécanisme mental qui empêchera ce joueur de s’améliorer et qui pourrait même mener à son abandon.

Il y a plusieurs autres idées reçues en circulation qui trahissent le même schéma de pensée:

  • « Tu sautes trop, dans les jeux de combat, sauter est toujours une mauvaise idée ».
  • « Tu utilises trop de gimmicks, tu vas devenir un one-trick-pony ».
  • « T’a juste gagné parce que tu as été chanceux que ton reversal super passe ».

Par rapport à ces idées, je rétorquerai toujours la même chose: si la technique fonctionne à ton niveau, utilise-la jusqu’à ce qu’elle ne fonctionne plus. À ce moment, tu chercheras d’autres solutions. Heureusement, les techniques que tu auras acquises te serviront dans le futur si tu rencontres des joueurs de niveau inférieur contre lesquels des techniques plus raffinées ne sont pas nécessaires ni même avisées.

L’obsession des Tier-Lists

ÇA FAIT TROIS ANS QUE J’Y PENSE PIS JE CROIS AVOIR TROUVÉ LE BONHOMME QUE JE VAIS JOUER

Le choix de personnage dans un jeu de combat fait partie de l’expérience. On les choisit pour leur style de jeu, leur personnalité et une foule d’autres raisons. Les joueurs empoisonnés auront tendance à court-circuiter ce processus en se référant aux fameuses tier-lists, ultra populaires sur les réseaux sociaux. Ils veulent une réponse prémâchée à une question intemporelle: « avec quel personnage ai-je le plus de chance de gagner? »

Je n’ai rien contre les tier-lists. En fait, je les aime bien! Partager ou créer une tier-list c’est amusant. Discuter de celle créée par un joueur de renom peut nous faire voir tel ou tel personnage sous un regard nouveau, nous faire mieux comprendre le méta actuel ou juste nous permettre de taquiner un rival avec son personnage considéré comme trash par la communauté. Quoiqu’il en soit, ces listes ne demeurent qu’un outil subjectif parfois crées à la hâte sans trop de vraies réflexions. Il est parfois surprenant de voir des tier-lists sortir avant même le jeu lui-même! Inutile de dire, donc, qu’il faut les prendre avec un grain de sel. Et pourtant, certains joueurs décideront malheureusement de ne se fier qu’à elles pour choisir leur personnage. « Just pick a top-tier », comme disait le vieux sage.

Encore une fois, cette attitude est naïve. Un personnage considéré comme « top-tier » n’est pas nécessairement le meilleur choix. D’abord, il peut être extrêmement difficile à jouer, son plein potentiel n’étant disponible qu’aux joueurs de grande expérience (ex: Yun SF4:AE). Puis, il peut tout simplement être plate ou désagréable à jouer (ex: Necalli de SF5)! Son statut de « top-tier » peut également changer avec le temps, soit parce que la communauté s’était trompée à son sujet, soit parce que des patchs d’équilibrage l’auront trop affaibli (ex: Percival de Granblue Versus). Finalement, et de façon plus importante, peut-être que vous n’aimerez même pas le personnage et que vous vous condamnerez ainsi au déplaisir! Bref, se fier à des tier lists, c’est un piège. Méfiez-vous des joueurs qui justifient leur récent changement de personnage par: « Ouin, je perdais trop parce que je jouais un low-tier alors j’ai décidé de switch pour Modern Marisa ».

Il est important de marteler l’importance de jouer un personnage qui nous plait et de dédramatiser le choix d’un « main« . C’est la meilleure manière de s’assurer qu’un joueur continue à s’investir dans le hobby. J’ai déjà vu un joueur débutant croyant être inepte car il n’arrivait pas à gagner malgré son personnage top-tier. Mais ce n’est pas ça le pire, j’ai aussi déjà vu des joueurs abandonner à l’écran de sélection de personnage, tétanisé devant autant de choix et croyant, à tort, qu’il y en avait qu’un seul de bon.

Apprendre à jouer des personnages fait partie du plaisir des jeux de combat. Certains seront fidèles au même personnage jusqu’à la fin, d’autres butineront constamment, préférant la variété. La sélection d’un personnage ne devrait pas être source d’anxiété mais ça l’est pour certains et c’est un autre symptôme d’empoisonnement compétitif.

La gêne de jouer

L’effet parfois le plus pervers de ce phénomène est sans doute celui qui nous empêche même de jouer avec ceux qui en sont victimes. À force de côtoyer des joueurs d’expérience, d’écouter des tournois ou d’enchaîner les heures de tutoriels YouTube, certains débutants développeront une gêne face à leur jeu. Ils iront même jusqu’à croire que leur niveau est inacceptable et qu’ils ne méritent donc pas de jouer avec les autres.

Inutile d’expliquer comment ce repli sur soi empêche l’amélioration et mène plus souvent qu’autrement à l’abandon du hobby. Grâce à l’Internet, nous sommes plus que jamais exposés à du jeu de gros calibre. Toutefois, cette omniprésence de l’excellence n’est pas toujours positive pour les joueurs débutants qui, ne se comparant qu’aux meilleurs, croiront finalement que les jeux de combat ne sont pas faits pour eux.

Prenons un instant pour nous rappeler que tout cela n’est que du jeu. Si la pression de performance est trop forte, prenons un pas de recul pour nous rappeler que notre amour du hobby ne tient pas à notre classement sur CFN mais bien au plaisir de jouer, de s’améliorer à notre rythme et à vivre ce cheminement en communauté! Reprenez vos fightsticks pis allez masher un shoryuken ou deux dans la face de vos amis!

Rétrospective: Street Fighter 4

DéveloppeurDimps, Capcom
Date de sortieMars 2009 (Amérique du Nord)
Date jouéMars 2009
NoteS-Tier!!!

Bon, l’intention de cet article n’était pas d’être aussi auto-biographique! Mais au fond, c’est difficile pour moi de faire autrement lorsqu’il est temps de parler de Street Fighter 4. Ce n’est donc pas ici que vous trouverez une décortication minutieuse des systèmes du jeu. Attendez-vous plutôt plutôt à un récit personnel racontant comment ce titre aura marqué un jeune développeur de l’industrie du jeu vidéo de Québec, vous voilà donc avertis!

En 2008, Capcom annonçait l’arrivée imminente d’une suite très attendue de leur franchise phare, Street Fighter. Pour l’occasion, la compagnie réservait au public nord-américain un trailer cinématographique:

Note: impossible de retrouver la version originale qui n’était pas sur Youtube à l’époque!

Leur machine marketing s’est alors déchaînée: la même année sortait Street Fighter 2 HD Remix, une énième réédition de ce titre révolutionnaire sorti en 1992. Cette fois-ci, on nous promettait des graphismes haute-résolution et un rééquilibrage complet des personnages. La stratégie de Capcom était transparente: ranimer l’intérêt du public pour la franchise et préparer le terrain à l’arrivée du 4 l’année suivante.

Et la stratégie fonctionna à merveilles avec moi! J’ai téléchargé SF2 HD Remix le jour même de sa sortie. Je me disais qu’il était bien temps pour moi d’apprendre à jouer « pour vrai » et d’ainsi me préparer pour Street Fighter 4. C’était pas rien, j’avais l’impression de participer à quelque chose d’historique: la renaissance même du genre des jeux de combat. En effet, ce style de jeu quasi-éteint n’était plus qu’un reliquat du passé.

Mais à ce moment là, je ne savais pas à quel point Street Fighter 4 allait changer les choses. Non, j’essayais juste tant bien que mal de réussir un Spinning Piledriver avec Zangief.

Le 7e étage de Beenox

Remettons-nous d’abord en contexte. À l’orée de la sortie de Street Fighter 4, je travaillais chez Beenox, filière d’Activision qui avait alors le vent en poupe. Forte de Monsters vs. Aliens et James Bond Quantum of Solace, l’entreprise démarrait le développement de Spider-man: Shattered Dimensions. L’ambiance du studio était euphorique car non seulement le nouveau projet s’annonçait excitant mais nous nous apprêtions à déménager dans de nouveaux locaux sur boulevard Charest. Dans cette construction neuve, le septième étage était en grande partie réservée aux activités sociales et c’est justement à cet endroit que ma passion pour Street Fighter prit racines.

Je sors les vielles photos de mes archives! Tout un stunt publicitaire pour notre déménagement, la une du journal de Québec!

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il était devenu tradition de se rassembler les vendredis soirs, bière à la main, devant l’écran géant du septième pour jouer à Street Fighter 4. Chaque semaine, la baston attirait plusieurs dizaines de nouveaux joueurs, tous enclins à se mesurer les uns aux autres. Au fil du temps, plusieurs joueurs, dont moi-même, devinrent des habitués de ces rendez-vous hebdomadaires qui prenaient des allures de mini-évènements. C’est lors de ces joutes que nous voulions prouver nos acquis: quels nouveaux combos pouvions-nous réaliser? Quels nouveaux pièges à tendre à nos adversaires? Et même quels nouveaux personnages avions-nous décidé de maîtriser? C’était à une époque où les ressources d’apprentissage en ligne étaient presque inexistantes alors la meilleure manière d’apprendre était de se présenter les vendredis soirs et voir ce que les autres apportaient de nouveau. Ces rassemblements attiraient aussi des spectateurs! Les curieux se déplaçaient pour voir qui était le meilleur joueur du moment et ce titre changeait d’une semaine à l’autre. C’était une véritable course à l’armement où tous s’entraînaient secrètement les soirs de semaine pour maîtriser de nouvelles techniques et espérer au vendredi prochain devenir le nouveau joueur à battre. C’était une compétition enivrante où se mélangeait rivalités, égos et collégialité.

Rapidement, toutes les excuses étaient bonnes pour jouer au travail. Les pauses café devenaient des moments pour faire quelques parties et l’heure du midi se dédiait aux matchs amicaux. Bref, peu importe où vous vous trouviez chez Beenox à ce moment, quelqu’un jouait à Street Fighter pour devenir le meilleur.

La suite logique de cette frénésie compétitive était l’organisation d’un tournoi à l’interne. Tâche à laquelle je m’étais attelé avec entrain. C’était avec fierté que j’accueillais tout les compétiteurs dans la grande cafétéria pour leur faire connaître les périls d’un tournoi à double-élimination! L’ambiance électrique de la soirée a fait naître en moi une passion pour l’organisation de tournois qui a mené à des dizaines d’autres évènements. Bien que la majorité était bien humblement organisée chez moi, plusieurs de nos plus grands tournois prirent d’assaut les lieux publics avec des dizaines de participants et encore plus de spectateurs. Par ailleurs, le personnel du bar de gaming LvlOP était si enchanté par nos évènements qu’il composait une petite carte de cocktails thématisée autour de nos joueurs et de leurs rivalités.

Malgré tout, mes meilleurs moments continuent d’être ces tournois où nous étions entassés chez nous à hurler encouragements et invectives à ceux assez braves pour s’affronter! L’ambiance ludique faisait de ces évènements un prétexte pour se rassembler, boire et discuter jusqu’aux petites heures du matin, bien après la fin des hostilités.

Tournoi organisé au feu LvlOP, le rez-de-chaussée du bar était entièrement dédié à nos évènements!

La fin de l’innocence!

Street Fighter 4 était le fer de lance d’une petite révolution dans l’univers du jeu compétitif. La plupart des nouveaux venus étaient de jeunes adultes qui avaient connu les jeux de combat sur leur Super NES. Pour plusieurs, ce genre était un retour aux sources mais notre regard d’adulte permettait désormais d’en apprécier les subtilités. Enfin pouvait-on espérer dépasser le niveau de celui qui pitonnait sur n’importe quel bouton – celui du button masher.

Mais si Street Fighter 4 était un phénomène international, son impact se faisait toutefois ressentir à l’échelle locale. En effet, les tournois internationaux étaient rares et peu médiatisés. Les quelques streams en direct étaient généralement undergrounds et diffusés sur justin.tv, l’ancêtre de twitch. On ne savait donc pas encore à quoi ressemblait du « bon » Street Fighter. Cette candeur libératrice permettait de jouer sans complexe. Être le meilleur de ses amis était suffisant et l’effort demandé pour y arriver était raisonnable.

Ce contexte particulier est révolu. La démocratisation de l’internet haute-vitesse et les bonds technologiques permettant une bonne expérience de jeu en ligne ont mené à l’émergence de véritables circuits compétitifs internationaux. Les connaissances entourant les jeux de combat ont quant à elles explosé grâce aux impressionnants efforts d’analyse des communautés qui se rassemblaient pour échanger leurs découvertes. Si l’étude du frame-data était de nature quasi-alchimique à l’époque de Street Fighter 4, ces connaissances sont désormais d’ordre banal pour tout amateurs modernes. Cette effervescence a permis de supporter la professionnalisation du secteur avec les meilleurs joueurs remportant des sponsorships auprès d’organisations E-Sports. Nous suivions l’évolution de nos joueurs préférés (Momochi, Latif, PR Balrog et 801 Strider étaient mes préférés) et nous nous rassemblions pour écouter les gros tournois. Regarder du jeu de combat professionnel devenait aussi palpitant que d’y jouer. À côté du talent prodigieux exhibé par ces joueurs, nos exploits locaux faisaient désormais bien pâle figure.

C’est donc peut-être pourquoi de nos jours, lorsque je parle d’organiser des évènements ou des petites ligues amicales, les gens hésitent. Ils ont peur d’avoir l’air médiocre, de ne pas « jouer comme il faut » ou, à l’inverse, ils deviennent obsédés par leur performance et finissent par oublier la joie exaltante et un peu bête que les jeux de combat peuvent nous procurer. S’il y a une nostalgie évidente dans mes propos, ce n’est pas pour revenir en arrière, bien au contraire. Notre hobby est plus vivant et solide que jamais! C’est bien plutôt pour mettre en relief le caractère unique du contexte de Street Fighter 4 et d’être reconnaissant d’en avoir fait partie.

Le Japon

Mon Ken qui fait des ravages à Street Fighter 5, en direct de la mythique arcade Japonaise Anata no Warehouse

J’ai eu la chance d’aller deux fois au Japon. Lors de ces voyages, si je me suis comporté comme tout bon touriste en visitant ses temples, ses quartiers branchés, étranges et geeks, j’ai aussi pu trainer de nombreuses heures dans ses arcades. Lors de mes visites, Street Fighter 4 était une relique du passé. Il n’y avait plus de cabinet qui lui était dédié. Le jeu était relégué à d’étranges machines désuètes qui donnaient accès à une douzaine d’autres jeux. Cela ne m’a pas empêché de m’y installer et de démarrer une partie. Ces vieux cabinets n’étaient pas combinés à Internet alors il fallait qu’une personne vienne obligatoirement s’assoir en face pour qu’un duel prenne place… et c’est arrivé!

Mais ce n’était pas l’expérience transcendantale à laquelle je m’attendais. Les joueurs qui m’ont défié n’étaient pas de calibre face à mon Abel et abandonnèrent dès leur première défaite. J’étais quand même surpris à quel point mes vieux réflexes étaient encore présents. Comme quoi quand on passe des dizaines d’heures à travailler des combos spécifiques en mode pratique, il ne faut pas beaucoup de temps pour qu’ils nous reviennent! Alors voilà, je n’ai pu affronté que peu de joueurs qui pensaient sans doute pouvoir profiter d’une victoire facile contre ce blanc perdu dans une arcade dont les tapis empestent le vieux tabac. J’ai appris plus tard que si je voulais me frotter aux meilleurs, il fallait se rendre à certaines arcades spécialisées.

Mais bon, Street Fighter 5 était désormais disponible en arcades et leurs cabinets plus modernes permettaient de jouer par Internet en attendant qu’un challenger se pointe en personne. Croyez moi, j’y ai joué longtemps – probablement même jusqu’à la déraison! Difficile d’expliquer le plaisir de ces endroits surréels où règne un chaos de bruits et lumières qui engourdissent les sens. Et pourtant, mes sessions de Street Fighter aux arcades demeurent d’excellents souvenirs!

Ah! Et j’ai ramené des souliers de Street Fighter du Japon. C’est pas rien.

Conclusion

Je pourrais m’éterniser sur une foules d’autres anedoctes ou aspects du jeu mais aujourd’hui j’avais le goût d’être un peu plus personnel. Avec la sortie de Street Fighter 6 qui approche à grands pas (plus que quelques semaines!), c’est normal de regarder dans le passé pour espérer que le futur puisse être aussi généreux!

Dans tous les cas, je ferai partie de cette prochaine évolution de la franchise et je trouverai bien le tour d’organiser encore des tournois dans ce monde post-pandémique!

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Même mon chien se met à Street Fighter c’est pas peu dire.