Le Skill Tree du concepteur

Au fil des années, j’ai tenté d’élaborer un modèle permettant de décrire la grande diversité de concepteurs oeuvrant dans l’industrie. L’objectif de ce modèle, au-delà de réfléchir sur notre discipline, est d’être un outil de dialogue et d’introspection: quels sont nos talents? nos angles morts? Quel genre de cheminement de carrière veut-on avoir et à quoi peut ressembler notre futur dans l’industrie?

Que vous soyez étudiants, juniors ou vétérans, j’espère que ce modèle pourra vous être utile. Il est certainement imparfait et incomplet mais s’il permet d’ouvrir le dialogue, ce sera déjà ça de gagner pour l’améliorer!

Les trois piliers

Ah oui, trois piliers, représentés en Trifoce, how original! Mais c’est quand même ça, Skill Tree est d’abord organisé en trois grands axes:

  • Le travail d’équipe
  • Le savoir-faire
  • La démarche créative

Chaque pilier est son propre terrier de lapin et on pourrait en parler beaucoup trop longtemps, comme en témoigne mon brainstorm initial:

Mais prenons un peu de courage et sautons dans chacun, question d’au moins les survoler!

Le travail d’équipe

Ce pilier englobe la capacité du concepteur de collaborer autant avec ses pairs, ses supérieurs et les membres de son équipe multidisciplinaire. Cela inclut le vaste éventail de ce qu’on appelle parfois les « soft-skills« : capacités de communication, tant à l’oral qu’à l’écrit ainsi qu’aptitudes interpersonnelles et organisationelles. Pour un concepteur, cet axe est primordial car il se retrouve souvent dans le rôle de stakeholder ou de représentant de son unité de travail. Ce n’est donc pas anodin que le travail d’équipe se retrouve ainsi en tête du modèle. Pourtant, ces compétences sont souvent négligées ou considérées comme innées. Rien de plus faux, elles se développent et s’exercent comme toutes les autres.

Sous le travail d’équipe, je regroupe les compétences en trois rôles:

  • Le collaborateur: les capacités de communication, vulgarisation et de gestions de conflits.
  • Le stakeholder: les capacités à garder un dossier vivant, à le faire avancer, à fédérer les membres de l’équipe, à identifier les éléments manquants et à tenir informer les gestionnaires de projet.
  • Le formateur: les capacités à faire grandir le reste de l’équipe, ne serait-ce que par des interventions pertinentes sur le plancher mais aussi par des présentations et des formations.

Voici une liste des manières dont cet axe peut s’exprimer, rassemblées par rang.

  • Junior
    • Stratégie: emphase sur le rôle de collaborateur
    • Devenir un collaborateur agréable, participatif et engagé
    • Présenter le travail accompli de façon pertinente.
    • Être ouvert et à l’écoute du feedback constructif.
    • Savoir identifier les personnes ressources et s’appuyer sur leur expérience au bon moment.
  • Intermédiaire
    • Stratégie: début des responsabilités de stakeholder
    • Rédiger de la documentation claire et adaptée.
    • Savoir tenir une argumentation saine et constructive avec ses pairs.
    • Communiquer avec les producteurs et le leadership lorsque des bloquants surgissent.
    • Être proactif dans la résolution de problèmes et de conflits.
    • Déveloper la capacité à évaluer le temps nécessaire pour le réalisation de ses tâches.
  • Sénior
    • Stratégie: emphase sur le rôle de stakeholder et début du coaching
    • Maintenir un dossier actif en mobilisant une équipe multidisciplinaire
    • Maintenir une boucle de rétroaction positive avec l’équipe de développement pour qu’elle réalise la qualité attendue.
    • Comprendre les pipelines et les processus de développement de l’équipe.
    • Devenir capable d’estimer le temps que prendra l’atteinte d’objectifs multidisciplinaires.
    • Devenir une personne ressource sur le projet, capable d’aider et d’aiguiller quiconque vient lui poser des questions
    • Partager ses connaissances au quotidien.
    • Vulgariser les intentions design auprès des autres corps de métier.
    • Maintenir une bonne hygiène de travail et d’une attitude professionnelle
    • Prendre des notes de façon efficace et ordonnée
  • Sénior++ (expert, lead, etc.)
    • Stratégie: emphase sur le rôle du coach
    • Créer des formations, à l’interne comme à l’externe.
    • Maîtriser diverses formes de communications et d’outils:
      • Présentations devant public (ex: Powerpoint)
      • Présentations pré-enregistrées (ex: Adobe Premiere, Shotcut, etc.)
      • Présentations par streaming (ex: OBS)

Bien entendu, il ne s’agit ici que d’un cheminement « habituel ». Rien n’empêche un junior particulièrement callé dans un sujet d’offrir des formations à ses pairs ou d’être le stakeholder d’un dossier qu’il maitrise bien. Le but de l’exercice est plutôt d’offrir des jalons sur le genre d’activités et d’initiatives qui sont attendues d’une personne selon son niveau d’expérience.

Je suis conscient qu’un danger majeur guettant une telle liste est de pouvoir sembler définitive ou d’être prise comme des cases à cocher pour garantir une promotion. Ce n’est pas le but de l’exercice: c’est pour ouvrir le dialogue et identifier plus clairement ses propres forces et faiblesses en tant que concepteur. S’il n’y a qu’une chose à retenir c’est ceci: le travail d’équipe est central au rôle du concepteur dans l’industrie, il doit être valorisé et développé au même titre que les autres compétences.

Le savoir-faire

Par contraste avec le travail d’équipe, le savoir-faire représente ici l’ensemble des compétences spécifiques auxquelles on s’attend d’un concepteur. Quand on parle de « savoir-faire », on fait souvent une distinction entre les aptitudes de conception et techniques. Par conséquent, j’ai voulu représenter cette dichotomie en la séparant ainsi:

  • Le savoir-faire JEU
  • Le savoir-faire VIDÉO

Je trouvais ça mignon comme rappel à notre médium.

Savoir-faire: JEU

Tout d’abord, le côté JEU, il s’agit des connaissances théoriques, des techniques d’analyse et trucs pratiques du domaine de la conception. Ça commence souvent par les trucs pratico-pratiques tels que l’apprentissage et l’application de l’approche Nintendo dans la présentation d’une mécanique de jeu pour évoluer vers les principes fondamentaux de conception. La conception de systèmes, l’élaboration de règles, l’émergence de comportements de joueurs, l’analyse par graphiques de tension, par stratégie optimale, l’équilibrage, l’accessibilité, le UX, les 3Cs, etc. En conception de niveau, on parle des principes de directrices, de seuils visuels, de communication d’information par l’espace. Elles sont les compétences qu’on acquiert en développant concrètement des jeux, en cultivant sa curiosité, en lisant des livres sur le sujet, en discutant avec ses pairs et en s’inscrivant à des cursus scolaires de qualité.

Savoir-faire: VIDÉO

Du côté VIDÉO, on s’attarde désormais au développement logiciel à proprement parler. Soudainement, on quitte le royaume de la « conception papier » pour tomber dans l’univers concret des engins de jeu, du scripting, des Behavior-trees, des shaders, du blocking et plus encore. On développe ensuite des considérations au sujet de la performance, de l’optimisation, des structures de données ou de réutilisation pour ensuite avoir une compréhension du fonctionnement intime des machines qui font tourner nos jeux: que veut dire être CPU ou GPU-bound? Quelle stratégie d’optimisation doit-on déployée dans un cas plutôt que l’autre?

Il existe une tendance lourde dans l’industrie à exiger de telles compétences techniques chez nos concepteurs. C’est une tendance à laquelle je souscris car notre médium est fondamentalement technique et pour arriver à y réaliser nos visions, il faut savoir cerner le potentiel et les limites de notre médium. Ces capacités sont nécessaires non seulement à l’itération rapide sous forme de prototypes jetables mais aussi dans la production de contenu robuste qui pourra faire partie du produit final.

La démarche créative

Finalement, la démarche créative! Elle inclut non seulement l’insaisissable « créativité » mais aussi les nombreuses techniques pour la maintenir consistante, actuelle et pertinente. Malheureusement, il s’agit d’un aspect souvent occulté. On va dire que telle personne est « créative » et que l’autre ne l’est pas, que c’est un talent que certains ont ou n’ont pas. Pourtant,. derrière ce mythe du talent créatif « inné » se cache d’énormes efforts et des techniques qui méritent d’être exposées.

Je sous-divise la démarche créative ainsi:

  • L’interprétation
  • L’auto-actualisation
  • La confiance créative

L’interprétation

L’interprétation consiste à comprendre puis réaliser un brief créatif. C’est un exercice subtil qui demande au concepteur non seulement de saisir ce qui lui est demandé mais surtout d’y ajouter sa propre perspective. Il y arrivera en s’appuyant sur ses référents, ses expériences, ses outils et ses sensibilités personelles. Puis, c’est de réaliser une œuvre unique qui respecte néanmoins les bornes et les objectifs du brief. L’interprétation créative est souvent la force principale des freelancers, capables de rapidement cerner les besoins d’un client et de les interpréter dans un style qui leur est propre. On développe cette capacité en participant à des Game Jams, en se donnant des défis thématiques (ex: Blocktober) et en cherchant proactivement la critique constructive. Comme anecdote, je trouve aussi que d’écouter des compétitions créatives télévisées (ex: Les Chefs, Glow Up, Ru-Paul Drag Race, etc.) est une bonne manière de saisir les manières d’offrir une perspective unique et personnelle sur des briefs tout en respectant leur cadres. Essayez ça, c’est fun en plus!

Avec la maturité, les concepteurs apprendront aussi à reconnaître leur propre touche. Cette introspection est non seulement utile pour connaître notre valeur ajoutée mais aussi à savoir quand se mettre en danger, quand essayer quelque chose qui sort de notre zone de confort et de risquer ainsi d’en apprendre plus sur soi-même.

L’auto-actualisation

Assez simplement, l’auto-actualisation revient à se maintenir « à la page » avec ce qui se fait dans le médium. C’est donc l’effort supplémentaire que doit déployé un concepteur à observer les tendances de l’industrie, jouer aux derniers jeux de l’heure et utiliser ces informations tantôt pour s’inspirer, tantôt pour prédire les futures tendances.

Si jouer aux « jeux de l’heure » est l’approche la plus simple, elle est aussi un peu naïve. Nous ne disposons que d’un temps limité alors il faut être capable de développer des stratégies efficaces: regarder des streams, lire des reviews, discuter avec ses pairs, etc. À plus grande échelle, il faut aussi s’intéresser aux évènements de l’industrie: PAX, E3, MIGS, GDC et y participer pour s’exposer aux nouvelles idées et aux innovations intéressantes.

Par exemple, même si la mode passagère des NFTs pouvait être décourageante, comprendre leur fonctionnement et connaître les acteurs de l’industrie qui ont tenté (ou tentent encore, … bon sang… Ubisoft…) de surfer la vague nous rend tous meilleurs pour séparer les vrais phénomènes des feux de paille spéculatifs. L’auto-actualisation ne consiste donc pas qu’à savoir ce qui se passe mais aussi à être capable de se positionner quant aux évènements actuels.

J’observe une tendance chez les vétérans (et ça m’est arrivé à plusieurs occasions aussi), de se réfugier dans ses niches et arrêter de suivre l’actualité de l’industrie. On pense qu’on peut se maintenir à jours mais non, peu à peu, nos références prennent de l’âge et ne cadrent plus vraiment avec les attentes actuelles. Il faut faire un effort conscient et retrouver notre curiosité de début de carrière. Super Metroid c’est bien, mais le genre de Metroidvania a beaucoup évolué depuis!

C’est aussi la capacité à faire de la critique média. « Consommer » de façon intelligente du contenu et des jeux vidéo en utilisant ce temps non seulement comme loisir mais aussi comme manière de s’éduquer et réfléchir sur le médium.

Finalement, bien que j’ai insisté sur le domaine du jeu vidéo, j’inclus également la poursuite d’intérêts variés dans l’auto-actualisation. Plusieurs des grandes innovations de notre domaine sont venues en la croisée avec d’autres hobbies. Avoir une bonne culture générale, des intérêts multiples et entretenir une saine curiosité sont donc toutes des choses qui servent à élargissent le répertoire d’expériences dans lequel nous pouvons puiser dans le cadre de notre travail.

La confiance créative

Présenter le résultat d’une démarche créative, c’est souvent se rendre vulnérable, se mettre à nu, montrer de façon candide les idées que l’on a au plus profond de soi. Y’a quelque chose de vertigineux dans l’exercise, surtout lorsqu’on veut présenter quelque chose émotionnellement tendu.

Il n’y a pas de raccourci, on développe sa confiance créative par la pratique et en acceptant de se mettre en danger. Lorsque son supérieur nous demande de présenter notre travail, c’est d’accepter et gérer le stress qui vient avec cela.

Il y a aussi un autre aspect dans la confiance créative, plus subtil car il demande de l’introspection: pourquoi croit-on que notre idée est bonne? qu’est-ce qui fait qu’on aime ce qu’on a fait? Trouver ces réponses de façon honnête est non seulement utile pour aider à prendre confiance à ce que l’on présentera mais nous permet aussi, plus souvent qu’autrement, d’améliorer notre travail! Développer la confiance créative ne consiste donc pas à simplement développer son bagou et faire « passer ses idées » mais aussi à créer avec plus de conviction et d’intentionalité.

Usages concrets

Bon, voilà, on a établi un schéma mental pour nous expliquer les différentes compétences auxquelles devront faire appel les concepteurs, bravo. Mais comment ce modèle peut-il être utile? Voici quelques pistes:

  • Identifier les différents profils de nos concepteurs
  • Identifier les angles morts d’un concepteur
  • Identifier des plans de cheminement de carrière

Identifier les profils des différents concepteurs

Être capable de partager un langage commun autour des différents profils de concepteurs aide à faire valoir la diversité dans nos rangs. S’il peut arriver qu’on survalorise les compétences techniques, il arrive souvent qu’on néglige de souligner les concepteurs qui se maintiennent à jours dans ce que fait l’industrie ou qui continuent à développer leurs talents de rédaction de documentation.

Identification des angles morts

Si l’industrie a une compréhension assez commune du rang de « sénior », il arrive souvent qu’elle manque de réponses pour les vétérans qui veulent continuer de se développer. Je peux m’appuyer sur ce modèle pour discuter avec eux et détecter les endroits où ils n’ont pas encore eu la chance d’expérimenter et d’ainsi créer des opportunités pour que ça arrive.

Cheminement de carrière

Vous avez peut-être remarqué que les quatre axes correspondent à quatre cheminements de carrières communs dans notre discipline:

  • Le leadership (team lead)
  • L’expertise design (expert designer)
  • L’expertise technique (technical designer)
  • La vision créative (directeur de jeu, en jouabilité ou directeur créatif)

Avoir identifié les intérêts et talents naturels du concepteur peut permettre de dresser un portrait du type de carrière auquel il pourrait aspirer. Évidemment, nous sommes tous des êtres changeants et dynamiques alors il faut éviter de typer-caster une personne dans un rôle. Mais l’outil s’est tout de même révélé utile pour faire réaliser les choix qui s’offrent à un concepteur et quels sont les aptitudes qu’il doit chercher à développer pour atteindre ses objectifs.

Toxic Design: l’appel à l’autorité

« Ouin mais c’est ça que le directeur a demandé! »

Voici les paroles d’un concepteur excédé, tentant maladroitement de mettre fin à une discussion. À bout d’arguments, il se retranche dans l’appel à l’autorité: « c’est pas mon call, c’est lui de mon lead », « ouin je suis d’accord que c’est pas terrible mais c’est ça que le directeur veut! » et « arrange toi avec mon lead si t’aime pas ça! » sont toutes des variations sur le même thème.

Bien que ce genre d’interventions n’est jamais vraiment utile, on doit se demander pourquoi quelqu’un va jusque-là, voici quelques pistes:

Raison #1: brief mal maitrisé

C’est à mon avis la raison la plus fréquente. Le concepteur n’est pas complètement en phase avec le brief créatif qui lui est demandé et peine à expliquer ses décisions. Face à ses propres hésitations et à ses collègues demandant des précisions, le concepteur, fatigué, finit par laisser tomber: « Ah, mais c’est ça que le directeur veut ».

Plutôt que d’invoquer une directive incompréhensible, le concepteur devrait mettre un frein à la discussion et reconnaître qu’il y a un manque de clarté dans ce qu’il propose. Ce sera ensuite sa responsabilité d’aller valider auprès de son lead et de son directeur.

Raison #2: désaccord avec le brief

Le concepteur n’est pas d’accord avec le brief créatif et tente de s’en dissocier pour garder sa crédibilité intacte auprès de ses pairs. Devant l’incompréhension, il blâme la direction: « Ah, ils savent pas ce qu’ils veulent, c’est vrai que c’est weird mais bon, on doit faire comme ils demandent! ».

Peut-être que la direction manque effectivement de clarté, que le brief est contradictoire ou même que l’idée n’est franchement pas si intéressante que ça. Cela dit, continuer à travailler sur cette « mauvaise idée » et blâmer la direction tout au long de son développement est bien pire. L’équipe accumulera une frustration injustifiée et le lien de confiance envers le leadership s’étiolera avec le temps.

Raison #3: faire passer son idée

Bon, j’en ai connu des concepteurs qui mettaient des mots dans la bouche des directeurs et les utilisaient ensuite comme massue pour imposer leurs idées. Ce qui complique l’histoire, c’est qu’ils invoquent toujours les raisons précédentes pour justifier leur comportement: « Ah mais c’est parce que je pensais que c’est ce que le directeur avait dit! C’est moi qui a mal compris! ». Comment être certain qu’on fait face à un tel manipulateur?

Solution: une culture d’équipe qui ne tolère pas l’appel à l’autorité

Je crois qu’une stratégie toute simple permet d’aider. Il s’agit de communiquer clairement la règle qu’il ne faut pas invoquer le nom de ses supérieurs pour justifier des idées qui ne passent pas auprès du reste de l’équipe.

Si vous êtes un concepteur et que vous sentez l’envie de le faire, prenez une pause et demandez-vous quel est le vrai problème auquel vous faites face: un brief mal compris, un brief auquel vous ne croyez pas ou autre chose?

À l’inverse, si quelqu’un vous fait le coup et invoque son lead pour justifier ses actions, allez valider à la source en incluant le principal intéressé dans la discussion.

Pour les leads et directeurs…

Ne tolérez pas que votre nom soit utilisé comme arme pour imposer des choses à des membres de l’équipe. Rendez-vous plutôt disponibles et soyez prêts à clarifier vos directives lorsque l’équipe se sent dans l’impasse. N’acceptez pas que quelqu’un fasse quelque chose « parce que vous l’avez dit », sans que cette personne ne comprenne vos intentions. Soyez pédagogues, n’ayez pas peur de répéter.

Ça ralenti le processus mais ça bâtit de meilleures équipes.

Notes supplémentaires

  • L’appel à l’autorité n’est pas une stratégie exclusive au design. Tout le monde peut parfois être tenté. Ce n’est pas plus acceptable quand ça vient de la production, du art, etc.
  • Je suis conscient que ma solution n’est pas à la portée de tous. Après tout, je parle d’implanter une culture d’équipe… Si vous êtes un nouveau venu dans une équipe et que votre lead ou votre directeur sont eux-mêmes déjà toxiques… difficile d’y faire quoique ce soit. J’ai déjà travaillé dans un studio où on faisait passer tout et n’importe quoi sur le dos du directeur, maintenant je sais que ce n’est pas acceptable. Être capable de reconnaître ces dynamiques demeure positif.

Toxic Design: l’appel à la documentation

« Ouais mais ça fait longtemps que c’est dans Confluence! »

C’est le cri du cœur d’un concepteur frustré qui vient d’échouer dans son rôle de communicateur. Ce genre de réflexion émerge souvent lorsqu’un collègue exprime de la surprise quant à une charge de travail inattendue et qu’il lui demande des explications. Le concepteur toxique, immédiatement sur la défensive, affirmera donc: « c’était dans la documentation, y’aurait fallu que tu la lises. », « c’est pas mon problème si les gens de l’équipe ne lisent pas notre doc! » ou n’importe quelle autre variation sur le même thème. Le pire, c’est que dans certains cas, le concepteur toxique en tirera une certaine satisfaction, comme s’il venait de démontrer que ses collègues manquaient de sérieux. Pourtant, il vient de s’aliéner les personnes qui ont le pouvoir de matérialiser ses ambitions…

Soyons clair, la documentation n’est pas un outil de communication. Elle est, au mieux, un outil de référence et d’organisation de l’information. Notre documentation est souvent technique, exhaustive, et utilise un jargon opaque aux non-initiés. Espérer que l’ensemble d’une équipe multidisciplinaire mette sur pause ses activités et vienne se taper la lecture d’une documentation changeante et souvent peu maintenue à jours relève de la fantaisie. Alors que faire?

Prenons un exemple. Si vous avez terminé la conception d’un système de jeu qui demande des animations, des effets visuels et de nouvelles interfaces utilisateurs, il est de votre devoir d’informer proactivement les membres de l’équipe qui auront à les réaliser. Pour y arriver, chaque studio se dote de processus mais ces derniers ne sont jamais infaillibles et, en cas de doute, prendre le temps d’en discuter de vive voix demeure la meilleure option.

Se rabattre sur un « tu aurais dû lire la doc! » est contre-productif et toxique. Non seulement vous ne répondez pas aux inquiétudes de votre collègue mais, pis encore, vous lui dites indirectement qu’il ne peut pas vous faire confiance et que vous allez continuer à enfouir des informations qui lui sont importantes dans vos documents. Ce bris de confiance est souvent le début d’un glissement dans les relations de travail qui peut générer en situation conflictuelle. Pas super.

Dans notre industrie, la communication, la vulgarisation et l’explication des systèmes de jeu que l’on conçoit font partie des talents nécessaires à développer pour devenir un meilleur concepteur. Armez-vous de patience et de bonne volonté car si un collègue n’arrive pas à comprendre vos intentions, apprenez plutôt à remettre en question vos stratégies de communication.