Mon palmarès de jeux 2024!

Wowowow! C’est l’heure de mon DEUXIÈME palmarès écrit sur un BLOG comme si on était encore en 2010! Mais non, nous sommes bel et bien en 2025 et on est sortis d’une autre année tumultueuse: tant de bons jeux, tant de pertes d’emplois… Bref, je veux pas trop répéter ce que j’avais écrit l’an dernier et j’aimerais faire un palmarès sans discours larmoyant quant à l’état de notre industrie! Du positivisme dans ce début de 2025, on aime!

Ah! Mais avant, question de faire différent, chaque titre viendra avec une anedocte toute personnelle justifiant sa position dans ma liste. Ça ne sera donc pas une liste de mini-reviews mais bien plus un article à propos de moi et de mon année. Et pour lancer le bal, voici mon graphique de préférences pour 2024 selon Steam:

(Vehicular Combat? J’ai honnêtement AUCUNE idée pourquoi c’est là)

Bon, let’s go!

#9 – Peglin

https://store.steampowered.com/app/1296610/Peglin/

Peglin est super cute. Il fait partie de cette nouvelle vague de Roguelike Deckbuilders qui reprennent les principes de base du genre pour les appliquer à un tout autre style de jeu. Dans ce cas-ci, on parle d’un deckbuilder qui ranime de vieux souvenirs en s’inspirant de Peggle!
Dès que j’ai vu le jeu, je savais que c’était pour moi et il ne m’a pas déçu! Léger, amusant, les parties gagnantes ne durent pas trop longtemps et le rythme décontracté nous donne le goût de faire juste une partie de plus.

Mais de façon toute personnelle, Peglin a réussi à lui-seul à me redonner le goût de développer des jeux dans mes temps libres. Ça m’a complètement relancé dans le développement actif de mon propre Roguelike deckbuilder! Même si je n’ai pas joué si longtemps à Peglin (surtout comparé aux autres titres de ce palmarès), je lui dois tout le crédit d’avoir réactiver ma fibre créative dans mon quotidien. MERCI, PETIT GOBLIN LANCEUR DE PIERRE!

(d’ailleurs, cette année je tâcherai de faire devblogs à propos de mon projet personnel, stay tuned!)

#8 – UFO-50

https://store.steampowered.com/app/1147860/UFO_50/

La prémisse de UFO-50 a de quoi faire sourciller: il s’agit de la compilation des cinquante jeux ayant sortis sur une console fictive des années 80. Cinquante jeux, c’est beaucoup! Et il ne s’agit pas que de courtes expériences. Oh non, la compilation inclus notamment un JRPG classique, Grimstone, qui nécessite à lui seul une quinzaine d’heures pour faire le tour de la proverbiale cassette. Il est donc inutile de dire qu’UFO-50 représente un travail titanesque pour les six développeurs qui l’ont réalisé.

Le titre a résonné pour moi car il m’a replongé à une époque toute particulière de ma vie. Lorsque j’étais ado et que je découvrais l’émulation. Je passais des soirées entières à parcourir Internet à la recherche de ROMs pour compléter ma collection et je passais plus de temps encore à essayer ces innombrables jeux. Cet irrespect complet pour les lois m’a permis d’élargir ma culture des jeux vidéo en me faisant découvrir notamment de nouvelles consoles telles que la Neo-geo et la CVS2, deux machines qui firent naître en moi l’amour des arcades.

L’intérieur de ma cabane – on voit la p’tite chaufferette qui m’a permis de ne pas mourir de froid pendant la nuit.

Mais revenons à UFO-50 avec une petite anecdote. Lors d’une soirée à Bicolline où je devais camper dans ma cabane, j’ai décidé d’apporter ma Steam Deck pour y jouer en cachette une fois la soirée terminée. C’était une des premières nuits de novembre où la température allait descendre en bas du point de congélation alors j’ai apporté une petite chaufferette. C’est donc vers minuit, dans le silence absolu, perdu en pleine nature que je décidai d’ouvrir ma Steamdeck pour jouer à UFO-50. C’était… PARFAIT.

(je suis conscient qu’il y a PLUSIEURS degrés de nerd dans une histoire où se mélangent LARPing, camping médiéval et jeux rétros sur Steamdeck)

#7 – Rivals of Aether 2

https://store.steampowered.com/app/2217000/Rivals_of_Aether_II/

Enfin! Un digne successeur à Smash Ultimate! Le système de combat de Rivals est extraordinaire. Les personnages sont tous intéressants et utilisent des gimmicks originales. Mon main, Orcane, est une révélation pour moi, étant le personnage défensif le plus… désagréable à jouer contre! J’ai déjà passé plusieurs soirées mémorables avec des amis à y jouer et c’est vraiment un de mon genre préféré de soirée. Quelques amis viennent chez nous, on lance le jeu dans le salon et on ne compte plus les heures qui passent en se tapant sur la gueule. Les jeux qui se prêtent à ce genre d’évènement se font de plus en plus rares et si ce n’était que de cela, Rivals se serait sûrement hissé sur le podium de ce palmarès.

Malheureusement, le jeu demeure difficile à recommander. L’expérience solo est anémique, la tutorialisation est inexistante et le jeu est fortement orienté autour de son aspect compétitif. C’est donc un jeu assez difficile d’approche pour les nouveaux, avantage qui revient toujours à Smash. Les développeurs sont bien au courant de ces lacunes et y travaillent activement. On peut donc s’attendre une excellente année 2025 pour Rivals 2!

(personne n’aime Orcane… sauf moi)

#6 – Satisfactory

https://store.steampowered.com/app/526870/Satisfactory/

Je me sens un peu comme un tricheur en mettant Satisfactory sur cette liste pour 2024. Après tout, j’en entend parler depuis au moins 2019. Mais je m’étais juré de n’y toucher qu’au moment où il sortirait du Early Access. Ma patience fut récompensée car le jeu final est incroyable. L’exploitation débridée des ressources d’une planète pour « sauver l’humanité » en construisant des réseaux de machines et de tapis roulant augmentant sans cesse en complexité est super gratifiant et satisfaisant. Dans mon cas, je trouvais l’expérience drôlement… zen.

C’était donc le jeu parfait pour m’évader pendant le temps des fêtes. On ne voit pas les heures filées quand on réfléchit au prochain projet ou quand on part à la chasse d’un nouveau type de ressource de la planète. Satisfactory m’a permis d’atterrir en douceur de 2024 pour pouvoir décoller plein d’énergies dans cette nouvelle année!

(pictured: le rêve du cozy gaming du temps des fêtes)

#5 – Core Keeper

https://store.steampowered.com/app/1621690/Core_Keeper/

Core Keeper est un p’tit jeu sournois qui s’est glissé à mon insu dans mon quotidien. Parfaite expérience coopérative, ma conjointe et moi avons passé plusieurs heures dans ce charmant jeu de survie. Me faisant penser tantôt à Terraria, tantôt à Minecraft puis à Valheim, Core Keeper offre une vaste caverne aux multiples biomes à explorer puis différents boss géants à terrasser. Bien cozy, son système très robuste de construction et de personalisation nous permet d’adapter nos sessions de jeu au rythme de notre humeur. Pas trop le goût de combat? On travaille à rendre notre base plus jolie et plus efficace. Feeling cheeky? On part à la chasse aux boss qui sont super funs à trouver et à vaincre.

Nous étions tellement épris par Core Keeper que lors d’un voyage à Montréal, on a décidé d’apporter un laptop et un Steamdeck pour pouvoir jouer les fins des soirées dans l’hôtel. Ouin, ça commence à faire nerd pas mal mais j’ai exactement ZÉRO REGRET.

Le seul bémol se trouve dans un détail: la progression dans l’arbre de technologie est très prévisible et linéaire. On commence par un pattern convenu (acquisition de métaux de plus en plus rares…) et quand on arrive aux éléments plus éclatés (Scarlet? Octarine!? GALAXITE!?!?!?), on se rend compte que ce n’est qu’une étape de plus dans la progression, similaire aux autres métaux.

#4 – Pokémon TCG Pocket

Quoi? Un jeu mobile dans mon palmarès? De Pokémon en plus? Je ne voulais pas me l’avouer mais… après plusieurs mois et une collection impressionnante, je continue à y revenir! Ce titre surprenant respecte le temps de ses joueurs et rafraichit le système de règles de Pokémon TCG pour arriver à une expérience de jeu idéale sur mobile. Ce titre a réussi à lui-seul à ressusciter mon intérêt gamin pour les Pokémon et réinstaller même Pokémon GO (oupe).

First, let’s be real, le core gameplay du jeu original n’a pas super bien vieilli. Les matchs sont longs, y’a peu de rebondissements, les cartes les plus importantes sont les trainer cards et ils sont pourtant très rares et coûteux. Bref… C’est tel que tel.

Voici ce qu’ils ont changé avec la version Pocket, en ordre d’importance selon moi:

  • L’acquisition d’énergie est automatisée (il n’y a donc plus de carte énergie)
  • Les decks sont beaucoup plus petits (20 cartes)
  • Seulement deux copies de carte par deck.
  • Pas de « prize cards », il faut simplement faire trois points pour gagner (un Pokémon EX remporte deux points)

Par conséquent, les matchs durent tous moins de cinq minutes. Néanmoins, le système demeure ultra simple et la chance joue encore une rôle plutôt abusif mais les matchs sont si courts que c’est beaucoup moins dérangeant que pour la version physique du jeu.

(Mon main deck est de Machamp EX, aidez moi, j’ai un problème)

#3 – Deadlock

https://store.steampowered.com/app/1422450/Deadlock/

QUOI!?!?! Un jeu en early access et sur invitation seulement qui se glisse sur le podium? Oui monsieur! Mais c’est pour une bonne raison. Deadlock a réussi l’impossible: renouveler mon amour des MOBA. Il a réussi ce tour de force en appliquant la formule traditionnelle des MOBAs à la sauce 3rd person shooter. Cela dit, le jeu lui-même m’aurait peut-être moins marqué ne serait-ce que grâce à mon cercle d’amis incroyables qui ont partagé de nombreuses (trop?) heures à y jouer. Je crois aussi être fondamentalement incapable de jouer autre chose que des personnages flashy et c’est ainsi que mon histoire d’amour avec Jacob Lash naquit… Mon doux Jacob, comment oublier ta haute-voltige et tes dive kicks téméraires? Et bah voilà, Deadlock est dans le top-3.

(Jacob Lash is an asshole)

#2 – Tekken 8

2024 était une autre excellente année pour les Fighting Games et cette fois c’était Tekken son fer de lance. Bien que j’aie tâtonné avec les entrées précédentes de la série, c’est avec Tekken 8 que j’ai voulu apprendre à jouer « pour vrai ». Après être tombé en amour avec PAUL PHOENIX et son incroyable DEATH FIST, j’ai découvert un système de jeu profond qui laisse place à beaucoup d’expressivité personnelle. Ajoutons à cela un mode histoire complètement fou et une expérience multi-joueurs robuste et on se retrouve avec une deuxième place grandement méritée.

Un peu de respect pour la meilleure coupe de cheveux de toute la FGC.

La sortie de Tekken 8 a complètement réanimé ma communauté de Fighting Games, j’ai participé à des tournois, j’ai pris le temps de vraiment approfondir ma compréhension de la série. Le jeu a occupé le plus clair de ma première moitié de 2024.

#1 – Balatro

Et voilà! Le grand gagnant! Je suis conscient de n’avoir rien d’original à nommer Balatro mon jeu de l’année 2024 mais que voulez-vous. En plus, c’est Balatro sur Steamdeck qui m’a complètement accroché et pas au moment de sa sortie mais un peu plus tard dans l’année. Imaginez un peu : au plus fort de l’été, dans un hamac, je joue à Balatro sur ma Steamdeck avec une petite bière légère et fraiche : quelle expérience de jeu pure.

Alors que dire de plus? Balatro était si bon que j’ai momentanément transcender ma propre existence sur cette terre et j’estime cette raison suffisante pour qu’il se hisse au sommet de ce palmarès! En effet, qui a besoin d’Ayahuasca quand on a un roguelike deckbuilder thématisé autour du poker?

Réflexions sur le balancing

L’équilibrage des jeux compétitifs est un sujet polarisant. Les développeurs comme les joueurs déchirent leur chemise sur Internet pour démontrer que tel personnage ou telle mécanique est brisé, que telle stratégie doit être nerfée, que ce jeu-là est mal balancé, etc. Si la communauté a accès à des statistiques, certains de leurs membres les disséqueront pour faire valoir leurs arguments. Le débat semble donc quitter l’espace des opinions pour tomber dans les « faits ». On s’embourbe davantage et on perd de vue la question fondamentale: après tout, qu’est-ce qu’un jeu bien équilibré?

Tout au long de cet article, je ferai référence à « l’équilibrage », au « balancing » ou aux « réglages » de façon interchangeable. Ces expressions font toute référence à la même chose, c’est à dire l’exercice de finition réalisé par les développeurs afin de régler au quart de tour les systèmes de leur jeu. Il s’agit par exemple d’augmenter la vie de tel ennemi, de diminuer les dégâts de telle arme, de changer le prix de tel item ou le temps de recharge d’une habilité de personnage. Ce sont donc les nombreuses décisions mineures dont la somme fait émerger une expérience unique. De nos jours, les développeurs sérieux se livrent à de l’équilibrage en continu, observant comment les joueurs interagissent, sollicitant leur feedback et réagissant avec des ajustements rapides à déployer.

C’est un sujet qui me tient à cœur et je trouve qu’il est souvent malmené, autant chez les joueurs que les développeurs mêmes. Je veux partager quelques réflexions et ainsi, peut-être, aider des concepteurs à mieux maîtriser le sujet.

Réflexion #1: un jeu équilibré n’est pas forcément amusant

Rappelons-nous l’essentiel: un jeu équilibré n’est pas forcément amusant. Par exemple, bien que Roche-papier-ciseaux soit parfaitement équilibré, on ne pourrait conclure qu’il soit parfaitement amusant. On pourrait donc croire que l’équilibrage n’est pas une condition suffisante mais bien plutôt une condition nécessaire à l’émergence d’un système amusant mais même cette affirmation est suspecte.

Marvel vs. Capcom 2

Il n’y a pas de jeu qui exemplifie mieux cette ambiguïté que Marvel vs. Capcom 2. Ce jeu de combat culte est légendaire grâce à deux choses contradictoires: d’une part, sa scène compétitive passionnée et de l’autre, sont système de jeu complètement déséquilibré. Seule une infime partie de son très vaste éventail de personnages est viable compétitivement et pourtant, peu importe à quel point le jeu est brisé et débalancé, il est également adoré. Ses fans raffolent de son rythme frénétique, de la profondeur des interactions possibles et du grand degré d’expressivité que ses systèmes leur permettent. On pourrait dire que Marvel vs. Capcom 2 est tellement brisé et tellement mal balancé que, d’une étrange manière, ils ont bouclé la boucle et que le jeu est redevenu bien balancé! Est-ce un phénomène de « So Bad it’s Good »? Pas forcément, l’exemple illustre tout simplement que si un jeu est amusant, les joueurs vont s’approprier son système de règles même s’il est déséquilibré.

Super Smash Brothers Melee est un autre exemple du même phénomène: plutôt que se plaindre du système de mouvements complètement brisé, les joueurs l’ont maîtrisé et firent émerger des techniques avancées et un jargon opaque – désormais, le « Wave Dashing » fait partie intégrale des platform fighters modernes malgré que cette technique fût entièrement accidentelle.

Super Street Fighter 4

Nemesis 2 au Foonzo, photo d’archives 😛 Y faisait chaud!

Pour compléter, j’ai un contre-exemple intéressant avec Super Street Fighter 4 qui prend tout son sens lors d’un tournoi à Montréal auquel je participais. C’était une belle époque: les jeux de combat étaient en pleine renaissance, SSF4 était considéré comme un excellent jeu bien balancé et nous voilà rassemblés à Montréal dans le sous-sol bondé du Foonzo. C’est la grande finale, Dieminion vs. JS Master, USA vs. Canada, l’ambiance est électrique lorsque leur match est annoncé: Guile vs. Guile. Pas juste un match miroir, mais un match miroir extrêmement défensif. Chaque round se rend jusqu’au timeout. Les joueurs nous offrent une performance incroyable mais, peu à peu, l’excitation s’éteint… Une succession de matchs défensifs, hermétiques… Ce n’est finalement pas si intéressant à regarder. La grande finale se conclue donc avec des joueurs et des spectateurs exténués. Super Street Fighter 4 avait beau être « bien balancé »: en permettant aux joueurs même les plus défensifs de connaître autant de succès que les joueurs agressifs, la réalité est que le jeu défensif n’est tout simplement pas si amusant que ça. Pas étonnant que les jeux de combat modernes favorisent désormais l’offensive, cela offre une expérience plus dynamique et amusante. Avec SSF4, nous avons donc un exemple d’un exercice d’équilibrage « bien réalisé » qui a finalement nuit au plaisir.

Ce qui est important à retenir de ces deux exemples est ceci: l’équilibrage doit être subordonné au plaisir, pas l’inverse.

Réflexion #2: un jeu s’équilibre pour supporter une vision créative

Quand vient le temps de régler nos valeurs de système, il faut le faire pour qu’émerge l’expérience que l’on désire. Ce principe semble évident mais sous-entend quelque chose d’important: il y a quelque chose de subjectif et de créatif dans l’équilibrage. Comment juger si telle attaque, telle stratégie ou tel ennemi sont trop forts ou faibles? Aucun outil d’analyse ne peut, hors contexte, conclure qu’un équilibrage est réussi – il faudra toujours revenir à l’intention originale.

Je me souviens encore, il y a de ça plus de douze ans, je travaillais chez Sarbakan et le studio était épris d’un engouement pour DOTA2. On y jouait tous les midis et on discutait abondamment de la balance du jeu. Je me souviens particulièrement bien d’un collègue qui râlait très fort comme quoi le jeu était complètement pêté et débalancé – jusqu’à arrêter d’y jouer, enragé. Quand on en discutait, l’exemple qu’il reprenait était le personnage de Windrunner, une archère. Elle pouvait décocher un tir puissant traversant plus d’une longueur d’écran. Il était donc possible de se faire toucher par sa flèche sans même voir d’où elle provenait. Pouvoir être touché par des attaques lancées par des personnages hors de son champ de vue était, selon lui, l’exemple qui prouvait que le jeu était débalancé et injouable.

DÉGOUTANT

J’étais intrigué par sa perspective car je ne la partageais pas. Ma rétorque était que l’attaque pouvait être anticipée, qu’elle s’ajoutait sur notre charge mentale lorsqu’on affronte Windrunner mais qu’elle demeure difficile à utiliser adéquatement. En fait, le joueur de Windrunner devait, lui aussi, faire preuve d’un bon sens du jeu pour réussir à toucher à l’aveugle un adversaire si loin de son personnage. Cette attaque est polarisante. D’une part, la victime se sent lésée et de l’autre, l’attaquant peut jubiler quand il réussit un tir miraculeux.

Cette situation cachait une vision créative que partageait les créateurs de DOTA. Une approche power-fantasy first, où le sentiment de puissance et de gratification de celui qui réalise un bon coup est supérieur à la frustration ou au désespoir de ceux qui le subisse. Si on s’attarde aux autres personnages du jeu, on constate que leurs habilités ont presque toutes ce biais implicite.

Pour en revenir à mon collègue frustré. Son erreur était de blâmer l’équilibrage du jeu comme s’il s’agissait d’un défaut de fabrication. Il était donc présomptueux en prétendant que les créateurs n’avaient pas vraiment réalisé le jeu qu’ils avaient en tête. En insistant sur le balancing du jeu, il s’est ainsi privé d’en comprendre les rouages et de devenir un meilleur joueur. Dans cette perspective égocentrique, il a fantasmé un DOTA2 « mieux balancé » dans lequel il gagnerait assurément. Il a ainsi continué à jouer en étant éternellement frustré – à notre grand dam car nous étions ses coéquipiers.

Il propageait ainsi son discours sans vraiment comprendre l’intérêt du jeu tel qu’il était. À en juger ce qui se disait à l’époque online, il n’était pas seul non plus. On arrive donc à une intersection intéressante du débat. À quel moment peut-on simplement arrêter de discuter du balancing et admettre qu’un jeu n’est simplement pas fait pour nous? Que la vision créative réalisée par les développeurs ne nous rejoint pas? À quel moment peut-on arrêter de parler des intentions des développeurs et invoquer la mort de l’auteur pour faire triompher son propre jugement? Je ne crois pas pouvoir répondre à ces questions aujourd’hui mais je peux sans doute mieux expliquer mon point: faisons preuve d’une plus grande prudence et d’une certaine humilité quand vient le temps de parler de balancing. Commençons par rester ouverts à ce qui nous est présenté avant de tenter d’imposer notre jugement.

Réflexion #3 – L’équilibrage ne passe pas par des chiffres équilibrés

Puisque le problème du balancing est un exercice de nombres et d’analyse, on pourrait naïvement croire qu’il peut être objectivement résolu. Je me souviens d’un petit projet chez Sarbakan qui était essentiellement un jeu mobile où les joueurs concevaient des robots de combat. Une fois construits, les joueurs lançaient leurs robots les uns contre les autres et assistaient à des combats automatisés.

L’équipe avait développé un outil très puissant qui permettait de simuler des milliers de matchs entre des robots aléatoirement construits et obtenir des résultats quant aux robots les plus performants. Leur objectif était d’utiliser la force statistique pour valider leur équilibrage, une très bonne initiative. Malheureusement, cet accès à du big-data est devenu un leurre. Les concepteurs se sont mis à la recherche du « balancing parfait » et voulaient s’assurer que chaque robot ait une chance de gagner dans leurs tournois virtuels. Ils ont complètement rééquilibré leurs systèmes pour que chaque participant ait un taux de victoire se rapprochant de 50%. Cette approche les réconfortait: ils avaient un but objectivement mesurable! En effet, si chaque robot gagnait et perdait 50% du temps, c’est que le système était objectivement bien balancé, non?

Cette quête d’équilibre mena à de grands bouleversements. Par exemple, le système d’énergie fut entièrement repensé. Les robots avaient tous une réserve d’énergie limitée. Cette énergie servait à installer des pièces aux pouvoirs variés. C’était aux joueurs à prendre des décisions quant à leur sélection de pièces. Un joueur inattentif pouvait se retrouver avec des points d’énergie inutilisé. Leur robot était donc sous-optimal et perdait plus souvent que les autres. Jugeant cela mal balancé, les concepteurs imaginèrent une nouvelle règle: chaque point d’énergie inutilisé augmenterait les performances du robot. Ainsi, un robot équipé d’une seule arme pouvait rivaliser avec un autre disposant d’un véritable arsenal. En plus d’être contre-intuitive, cette nouvelle règle nécessitait une refonte des interfaces qui devenaient de plus en plus compliquées.

Quand on s’attarde à l’expérience des joueurs, il est évident que c’était une mauvaise idée mais, rappelez-vous, l’équipe utilisait un outil abstrait pour guider leurs choix. L’expérience du jeu en souffrait donc beaucoup. Les concepteurs avaient mis tant d’énergie à atteindre leur objectif du 50/50% qu’ils avaient négligé le concept de base du jeu: la création et l’optimisation de robots de combat. C’était rendu qu’un robot à qui on n’avait même pas donné d’armes réussissait à vaincre ses rivaux graciés du meilleur équipement. Pis encore, le modèle d’affaire tournant autour du pay-to-win et les « pièces premium« , achetées avec du véritable argent, n’étaient pas plus efficaces que toutes les autres. Dans leur recherche « d’équilibre des chiffres », les concepteurs avaient donc ruiné l’expérience qui était devenue incompréhensible.

L’anecdote ainsi résumée peut paraître absurde mais elle témoigne de notre propension à vouloir uniformiser, symétriser et ordonner des valeurs. Il est facile de vouloir se réfugier dans quelque chose « d’objectif » plutôt que de réfléchir rigoureusement à l’expérience réelle qui émerge de notre travail d’équilibrage.

Dans notre travail, il arrive souvent que l’on travaille dans des tableurs. Cette vue est utile pour modifier rapidement une multitude de chiffres mais il faut éviter de tomber dans le piège du « designer excel »: de jolis chiffres dans un tableau ne mènent pas nécessairement à une expérience amusante pour le joueur.

Whew!

Voilà qui est tout pour aujourd’hui. Je m’étais pris beaucoup plus de notes mais je crois que l’article est déjà assez long comme ça. Y’aura une prise #2!

Mon palmarès des jeux de 2023!

La fin d’une année vient souvent avec un certain désir de comptes-rendus, de rétrospective et peut-être même d’analyse! Aujourd’hui je me livre à l’exercice avec un traditionnel palmarès: le décompte de mes HUIT JEUX VIDÉO PRÉFÉRÉS!

D’entrée de jeu, on a eu droit à toute une année! Hélas, peut-être même l’une des plus polarisées pour l’industrie. En effet, d’un côté nous avons un foisonnement d’excellents jeux – certains pouvant se hisser parmi les meilleurs jeux de tous les temps! Mais de l’autre, nous avons d’horrifiantes pertes d’emplois qui continuent de secouer l’industrie à l’international (sauf au Japon, regardez cette excellente vidéo pour en apprendre davantage).  Mais j’ai décidé de conclure l’année positivement. Let’s go!

#8 Deceive Inc.

https://store.steampowered.com/app/820520/Deceive_Inc/

J’ai un immense respect pour les développeurs qui se lancent dans l’aventure du développement indépendant. En plus, dans le cas des Sweet Bandits et de leur jeu, je dois avouer être un peu biaisé. D’abord parce que c’est un studio de Québec et qu’il est composé de plusieurs bons amis. Pouvoir finalement jouer au produit fini était pour moi une grande joie. Ce jeu de tir à la première personne multijoueur intègre des mécaniques de subterfuges et d’espionnage pour créer une expérience rafraichissante. En plus de vaincre ses adversaires en leur tirant dessus, les systèmes nous permettent de les vaincre également avec des STRATAGÈMES! Finalement, j’adore ses personnages colorés (et leurs fans semblent… BEAUCOUP les apprécier aussi) et l’excellente trame sonore me donne le goût de retourner faire une nouvelle partie et me garde hype en tout temps.

#7 Aces and Adventures

https://store.steampowered.com/app/1815570/Aces__Adventures/

Le genre des Roguelite Deckbuilders est saturé depuis des années. Avec le succès monstre de Slay the Spire, on a assisté à une grande déferlante de jeux médiocres tentant de reproduire leur succès. Certains ont réussi, dont les excellents Monster Train et Dicey Dungeon mais depuis, pas grand-chose… Voilà que Aces and Adventures vient briser la malédiction en ajoutant une sauce POKER aux mécaniques usuelles du genre. Pour attaquer, il faut réaliser des mains de pokers! Je n’en dit pas plus, sautez sur le jeu, il est excellent.

#6 Dave the Diver

https://store.steampowered.com/app/1868140/DAVE_THE_DIVER/

Esthétique de fou, jeu multimodal où l’on jongle entre plongée sous-marine extrême, découverte de mondes fantastiques, gestion d’un resto de sushi et plus encore! Le jeu a déjà fait beaucoup de vagues (haha) et avec raison, il est excellent et j’ai hâte d’y retourner pour le finir!

#5 Pizza Tower

https://store.steampowered.com/app/2231450/Pizza_Tower/

J’ai déjà écrit sur ce maudit jeu de fou là. Déjà je disais qu’il avait le potentiel d’être le jeu de l’année pour moi. Il finira plutôt en cinquième place ce qui est moins un désaveu de Pizza Tower qu’une preuve que 2023 fut une année remplie d’excellents jeux!

#4 Chants of Sennaar

https://store.steampowered.com/app/1931770/Chants_of_Sennaar/

J’ai triché! J’ai commencé à jouer au tout début de 2024 mais puisque c’est encore pendant mes vacances du temps des fêtes, j’estime que c’est VALIDE (c’est ma liste, je fais ce que je veux). Étant un amateur de linguistique et de l’apprentissage des langues, ce jeu-là avait déjà mon nom d’écrit dessus. Je suis vraiment heureux de mon expérience. Oui, il faut « décoder » des langues mais le jeu offre une élégante solution pour garder des notes et faire progresser le joueur. Ça faisait longtemps que je n’avais pas joué à un vrai bon jeu de recherches et de puzzles, le dernier étant Return to Obra Dinn. En plus l’ambiance et la DA sont formidables, que demander de mieux?

#3 Roots of Pacha

https://store.steampowered.com/app/1245560/Roots_of_Pacha/

C’est lors de la pandémie que ma conjointe et moi avons découvert le genre du cozy gaming avec Stardew Valley. Ce jeu a littéralement lancé une petite révolution et nombreux furent les développeurs qui en ont joué les émules. Malheureusement, plusieurs de ces imitateurs nous ont déçu mais pas Roots of Pacha. Pourtant, la prémisse du jeu est assez simple, voire ridicule: « on refait Stardew Valley mais pendant la préhistoire ».

Le pari est réussi! Roots of Pacha est un jeu calme et réconfortant mais qui demande autant d’optimisation de temps et de ressources que l’on aime dans le genre. On peut y reprocher des personnages pas trop charismatiques ni développés ainsi qu’une courbe de progression parfois confuse mais ces défauts ne nous ont pas empêché de l’apprécier. C’est LE jeu parfait pour conclure une soirée de semaine sans trop se casser la tête et nous avons passé une bonne partie des vacances à le terminer à 100%!

#2 Baldur’s Gate 3

https://store.steampowered.com/app/1086940/Baldurs_Gate_3/

Baldur’s Gate 3 s’est déjà fait assez couvrir de gloire et de prestige alors je ne veux pas trop en rajouter. Tout ce que je vais dire, c’est que l’adaptation des règles de la cinquième édition de Donjon et Dragon au système de combat en tour par tour de Larian Studio est impressionnante. Les nombreuses heures passées à y jouer avec ma conjointe sont parmi les plus beaux souvenirs de gaming en cette année 2023. Le jeu continue de m’impressionner même après autant d’heures tant il y a du contenu, du détail et de l’amour dans sa création.

Le jeu avait tout le potentiel de trôner au sommet de cette liste mais c’est son acte final qui lui vaut plutôt le second rang. En effet, le jeu devient un peu plus buggé, les interactions avec les NPCs moins riches et les antagonistes principaux semblent sous-développés. C’est dommage, car c’est pourtant un jeu d’exception!

#1 Street Fighter 6

https://store.steampowered.com/app/1364780/Street_Fighter_6/

Et oui, je risque de paraître prévisible! Plusieurs mois après sa sortie, difficile de trouver des fautes majeures à ce titre. Véritable fer de lance du genre, Street Fighter 6 est même vanté comme l’instigateur de la nouvelle renaissance des jeux de combat! Pour ma part, je comprends pourquoi: les mécaniques sont un chef d’œuvre, la présentation super bien maitrisée, le jeu est rempli de contenu en tout genre qui offre quelque chose à tout le monde. J’ai déjà plusieurs centaines d’heures d’englouties, quelques tournois d’organisés et j’ai terminé tout le contenu mono-joueur!

Le seul défaut pour lequel je pourrais pinailler est que les costumes additionnels coûtent affreusement cher (le dernier paquet, si on les veut tous, revient à 120$!). Mais c’est à peu près tout ce que je peux trouver à redire à un jeu autrement extraordinaire. Street Fighter 6 renoue avec la tradition d’innovation et d’excellence à laquelle le quatrième opus nous avait habitué!

Rappelons-nous que la sortie de Street Fighter 5 avait été plutôt désastreuse. Comme plusieurs fans, je modérais mes attentes pour éviter la même déception. Bien heureux de voir que Capcom a donné à cette franchise mythique la qualité qu’elle mérite!

De grandes omissions

Il y a plusieurs jeux dont j’ai fait l’omission qui se retrouvent dans plusieurs autres palmarès similaires. Les voilà en rafale:

  • Super Mario Bros. Wonder (joué): qualité indéniable mais la formule ne m’émerveille plus autant qu’avant!
  • Starfield (pas joué): je n’avais juste pas le goût de me faire un jeu de Bethesda! Je vais sûrement me laisser tenter en 2024!
  • Alan Wake 2 (pas joué): je ne suis pas un fan des jeux d’horreur. Il est quand même dans ma liste d’envie et j’attends le bon spécial pour me le procurer.
  • Spider-Man 2 (pas joué): après avoir dédié plusieurs années de ma vie à développer des jeux de Spider-Man, on dirait que j’ai perdu l’intérêt pour le personnage et ses jeux!

Creed: Rise to Glory

DéveloppeurSurvios
ParutionSeptembre 2018
Date jouéJanvier 2023
NoteA-Tier

Eh ben, cette année j’ai puisé assez loin dans ma librairie Steam en dépoussiérant un jeu sorti en 2018. Mais c’était pour une bonne raison! J’ai réinstallé ma HTC Vive dans le sous-sol et j’ai décidé de faire le tour des jeux VR auxquels j’avais gagné accès à-travers mon abonnement à Humble Bundle. Ma HTC Vive aussi méritait quelques mises à jours, je fais partie des early adopters qui sautèrent dans la réalité virtuelle dès sa sortie en 2016. Je me souviens encore de la démo tutoriel développée par Valve à l’époque de et mon impression de participer à rien de moins qu’une révolution technologique! Mais bon, la révolution a passé et ma VR était entreposée dans une boîte de plastique quelconque…

…Jusqu’à ce début 2023 où j’ai décidé de sauter dans le ring de Creed: Rise to Glory pour me convaincre que j’avais bien fait de percer mes murs pour accrocher les vieux capteurs de ma Vive! Et franchement? Il s’agit d’une excellente interprétation de boxe en réalité virtuelle. Le jeu est organisé autour d’une campagne où alternent scéances d’entraînement et combats. Si les premiers sont amusants, ils sont bien moins intéressants que les combats en eux-mêmes. Avec une esthétique plutôt cartoon mais pas trop, les feedbacks des coups donnés et reçus sont excellents. Les mécaniques pour simuler être mis sur la défensive ou être sonné par un coup sont novatrices et s’intègrent bien avec le rythme du combat. La seule faute du système est l’ajout d’une notion de fatigue à son personnage qui crée une dissonance importante quand on a parfois l’impression d’être plus en forme que le fougueux protagoniste. On réalise un bon combo de cinq coups puissants et c’est l’heure de pousser l’avantage? Whoa, attend un peu là, Adonis Creed a besoin de reprendre son souffle quelques secondes…

Mais si le jeu propose donc une excellente expérience et un workout intense – ce qui l’empêche d’accéder au PRESTIGIEUX classement du S-Tier est sa durée de vie… En à peine quelques heures j’ai non seulement complété la campagne mais aussi rejoué tout les combats à leur difficulté la plus élevée. Dommage, le développeur a clairement mis beaucoup d’efforts dans le moteur de jeu mais on se retrouve finalement à le mettre de côté tellement le contenu est anémique. Il y a un mode multijoueurs mais je n’ai pas réussi à trouver un match!